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En dépit des usages de la profession applicables entre éditeurs et agences photo, il est opportun d’encadrer contractuellement l’archivage des tirages photo et leur restitution aux agences.
La société Magnum Photos est une coopérative photographique créée en 1947 ayant pour activité la représentation de photographes et l’exploitation pour leur compte de droits de reproduction et de représentation de leurs oeuvres. Elle a transmis à des sociétés d’édition plusieurs tirages de presse dont ses photographes sont les auteurs, aux fins de reproduction dans des titres de presse, ces tirages étant identifiables par l’apposition de tampons spécifiques (‘Tirage Magnum Photo’ ‘épreuve à rendre’ …). Estimant que la remise de ces tirages constitue un simple dépôt, prêt ou mandat pour les seuls besoins de leur consultation et de leur éventuelle reproduction par les éditeurs de presse, la société Magnum Photos a cherché à en obtenir la restitution judiciaire par un éditeur de presse.
En défense, l’éditeur a fait valoir que les usages de la profession tels que fixés par l’accord du 17 mai 2004 veulent que les documents originaux remis aux éditeurs soient retournés à l’agence après parution. La pratique des éditeurs de presse magazine consistant à effectuer des tirages des photographies parues, confiées puis restituées à l’agence, ou d’en conserver un duplicata est actée dans l’article 2-4 du constat d’usages professionnels du 17 mai 2004 qui en rappelle la destination strictement documentaire et en fixe les limites. L‘éditeur avait ainsi conservé la propriété corporelle des tirages réalisés à ses frais.
La société Magnum Photos devait justifier de sa qualité à agir soit en tant que cessionnaire des droits des photographes soit en qualité de représentant, en produisant un mandat spécial d’agir en justice à cette fin, la seule circonstance qu’elle soit une coopérative photographique représentant des photographes et exploitant pour leur compte leurs droits de reproduction et de représentation et qu’elle ait entretenu de longue date des relations commerciales avec l’éditeur en cette qualité, étant insuffisante à établir son droit d’agir en justice.
Pour la majorité des photos en cause, il a été jugé que les mandants ont donné mandat à la société Magnum Photos de les représenter en justice dans le cadre d’une demande tendant à la restitution de tirages entre les mains de la société Magnum Photos, laquelle les représente et exploite pour leur compte des droits de reproduction et de représentation de leurs oeuvres.
La demande de restitution des tirages, formée par la société Magnum Photos en sa qualité de mandataire de photographes ou de leurs ayants droit relevait de la prescription civile de droit commun relative aux actions personnelles ou mobilières. S’agissant des clichés publiés antérieurement au 19 juin 1978, la prescription trentenaire était donc acquise au jour de l’entrée en vigueur de la nouvelle loi. L’’article 26 de la loi du 17 juin 2008 a réduit la prescription à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure. Ainsi, pour les prescriptions non encore acquises en vertu des anciennes dispositions légales lors de l’entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008, soit le 19 juin 2008, le délai pour agir expirait le 19 juin 2013 à 0 heure, sans toutefois que la durée totale ne puisse excéder 30 ans, de sorte que l’assignation délivrée le 19 juin 2013, n’a pas interrompu le délai de prescription, lequel était déjà acquis le jour-même à 0 heure. Attention toutefois à l’article 2240 du code civil qui pose que la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrit interrompt le délai de prescription. La seule restitution de certains tirages ne vaut pas à elle seule reconnaissance du droit de l’agence.
Aux termes des articles L.111-1 et L.111-3 du code de la propriété intellectuelle, la propriété incorporelle, dont jouit l’auteur sur son oeuvre du seul fait de sa création, est indépendante de la propriété de l’objet matériel et les droits de propriété intellectuelle subsistent en la personne de l’auteur qui ne pourra exiger du propriétaire de l’élément matériel la mise à disposition de cet objet qu’en cas d’abus notoire du propriétaire empêchant l’exercice du droit de divulgation.
Il résulte de cette dissociation entre l’oeuvre, en tant qu’objet immatériel, et son support matériel que le propriétaire du support exerce les prérogatives du propriétaire d’un objet corporel et ce en conformité avec les règles fixées par le code civil, mais n’a aucun droit de propriété intellectuelle, de sorte qu’il ne peut reproduire l’oeuvre. Le titulaire des droits d’auteur ne peut quant à lui faire obstacle à l’exercice, par le propriétaire du support, de son droit de propriété et ne peut notamment s’opposer à la vente de l’objet.
Dans le cadre de ses relations avec les éditeurs de presse, avant l’arrivée du numérique, la société Magnum Photos en sa qualité de mandataire des photographes, adressait aux éditeurs des tirages de presse qu’elle avait édités et ce en vue de leur reproduction dans la presse. Ces tirages. Or, la société Magnum Photos avait agi différemment avec l’éditeur, pour répondre aux exigences de l’urgence. Elle a ainsi autorisé l’éditeur à éditer à ses frais les tirages de presse à partir des négatifs et des planches-contact. L’éditeur restituait ensuite ces négatifs et ces planches-contacts et conservait les tirages effectués.
Il incombait à la société Magnum Photos de prouver qu’elle avait la propriété des tirages alors que l’éditeur en avait la possession depuis l’origine. La détermination du propriétaire du support matériel d’une oeuvre obéit aux règles du code civil et spécialement à celles relatives au droit de propriété. Ainsi le possesseur de bonne foi du meuble corporel est et demeure propriétaire de celui-ci.
Pour s’opposer aux effets de cette possession, la société Magnum Photos n’a pu faire valoir que l’éditeur détenait ces tirages dans le cadre d’un mandat de dépôt ou de prêt. En effet, ce sont les négatifs et les planches-contacts qui faisaient l’objet d’un dépôt et non les tirages que l’éditeur en a faits.
Par application de l’article L111-3, dès lors que l’éditeur a financé les supports vierges et les frais techniques de développement, il devient propriétaire originaire desdits supports. Le fait que l’éditeur ait pu, par le passé, procéder à des restitutions n’est pas de nature à infléchir cette réalité. En conclusion, la société Magnum Photos n’était pas fondée à demander la restitution des tirages de presse pour la période allant de 1983 à 1989. Télécharger la décision