Obligation d’entretenir une œuvre
Obligation d’entretenir une œuvre
Ce point juridique est utile ?

Il est acquis que le propriétaire d’une œuvre est débiteur d’une obligation de l’entretenir aux fins de la conserver en bon état, sous peine de porter atteinte au droit moral de l’auteur. Cette obligation n’est toutefois que de moyen et non de résultat.  

Intégrité des sculptures

Deux sculpteurs ont été désignés lauréats du concours d’architecture et d’ingénierie pour la réalisation, dans le cadre d’un ensemble architectural sur le site du barrage-réservoir AUBE, d’un ensemble artistique monumental destiné à célébrer la naissance de ce barrage réservoir, situé au bord du lac de la forêt d’Orient à MATHAUX (10). L’installation était composée de 121 sculptures en bronze représentant des poissons, d’un cercle d’eau de 60 mètres de diamètre, assemblant 324 modules en fonte de bronze, d’une carte du ciel représentée par 163 demi sphères en inox, d’un garde corps en bronze sur une longueur de 10 mètres et enfin d’un bas relief en bronze décrivant les fondements du projet, elle a été réalisée en 1993.

A partie de 1997, l’ensemble artistique a subi des dégradations en raison d’actes de vandalisme et de vols qui ont perduré pendant plusieurs années. Après avoir alerté le gestionnaire du lieu (Institut interdépartemental des Barrages-Réservoirs du Bassin de la Seine, l’IIBRBS) de remédier à la situation, les sculpteurs ont poursuivi ce dernier en atteinte de leurs droits moraux (droit au respect de l’œuvre).   

Droit au respect de l’œuvre

L’article L121-1 du code de la propriété intellectuelle précise que l’auteur jouit du droit au respect de son nom, de sa qualité et de son oeuvre ; ce droit est imprescriptible. Ce droit au respect s’impose aux propriétaires du support matériel de l’oeuvre. Selon l’article 544 du code civil, ‘la propriété est le droit de jouir et disposer des choses de la manière la plus absolue, pourvu qu’on n’en fasse pas un usage prohibé par les lois ou par les règlements’. Le droit moral de l’auteur de l’oeuvre ne peut mettre en échec le droit de propriété, l’auteur ne peut imposer au propriétaire du support matériel une intangibilité absolue de son oeuvre.

Obligation de moyen du commanditaire de l’œuvre

En l’occurrence, il était justifié que l’IIBRBS avait effectué plus de vingt dépôts de plainte pour des vols de statues et de matériels relevant de l’oeuvre en cause, entre 1995 et 2015. II   avait pris l’initiative de mettre à l’abri certains poissons composant l’oeuvre, mais qu’ils ont été dérobés dans l’entrepôt dans lequel ils étaient remisés. L’IIBRBS a également appelé en 2006 l’attention des pouvoirs publics, en l’espèce celle du sous-préfet de Bar-sur-Aube, sur le caractère préoccupant de la situation, et provoqué une réunion de travail avec notamment des représentants des forces de l’ordre. Il avait écrit en 2015 au procureur de la République en soulignant le nombre important d’éléments de l’oeuvre qui avaient été dérobés, en dépit du nombre accru de rondes de gendarmerie et du fait que le site était surveillé depuis 2007 par des entreprises privées (l’IIBRBS a en effet lancé en 2007 un appel d’offres pour des prestations de surveillance nocturne de l’oeuvre, pour un coût annuel de 39.324,48 euros, correspondant à trois rondes nocturnes, effectuées de manière aléatoire, 7 jours sur 7, avec un temps de présence sur place de 30 minutes par ronde, ces surveillances ayant été mises en place dès 2007).

Aussi, s’il n’était pas contesté que l’oeuvre s’était dégradée, l’IIBRBS a justifié de  démarches entreprises pour enrayer les vols et dégradations qui lui ont été occasionnés, tant par les plaintes répétées, par ses interventions auprès des autorités publiques, ou par l’engagement pendant plusieurs années de frais de surveillance élevés. Il ne pouvait, au vu de ces éléments, lui être reproché un défaut de diligence dans la charge de la préservation de l’oeuvre, et son absence de réponse aux propositions de remise en état de l’oeuvre ne peut être analysée comme révélatrice d’un désintérêt pour l’oeuvre.

Il ne pouvait donc, du fait de la situation de l’oeuvre -sise sur un emplacement à ciel ouvert depuis près de trente ans accessible au public-, de ses dimensions et de la convoitise suscitée par les matériaux dans lesquels elle est pour partie réalisée, que l’IIBRBS assure la préservation de l’oeuvre à des conditions excessives ; le droit des auteurs au respect de leur oeuvre ne pouvant justifier qu’ils imposent au propriétaire du support matériel de l’oeuvre d’assurer l’immutabilité de ladite oeuvre et sa préservation à des conditions déraisonnables. Télécharger la décision


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