Exportation d’une oeuvre d’art ou d’un bien culturel
Exportation d’une oeuvre d’art ou d’un bien culturel
Ce point juridique est utile ?

Exporter un bien culturel ou un trésor national d’une certaine valeur est soumis à une procédure particulière sous peine de sanctions.

Affaire Victor Hugo

La Commission consultative des trésors nationaux a émis un avis négatif sur l’autorisation d’exporter un dessin de Victor HUGO, Marine Terrace, encre brune à la plume et au lavis, gouache rouge, frottis de fusain sur papier, annotation autographe, à la plume et encre brune

Le bien pour lequel le certificat d’exportation est demandé constitue un dessin de Victor Hugo, destiné à être offert pour sa fête à Juliette Drouet (1806-1883), la fidèle amante de l’auteur depuis 1833, qui l’avait suivi dans cet exil ; il s’agit d’une composition au caractère onirique où les initiales, de taille disproportionnée, entrelacées de l’auteur et de sa maîtresse, affichant ainsi leur liberté de s’aimer au-delà du carcan social, flottent dans un ciel inquiétant au-dessus de la maison isolée, nommée Marine Terrace, qu’occupa à Jersey la famille Hugo du 16 août 1852 au 31 octobre 1855. Cette résidence provisoire, située au sud-est de Saint-Hélier sur la grève d’Azette, qui a été un lieu de riche activité poétique pour Hugo et qu’il a plusieurs fois dessinée, est représentée dans un halo de lumière étrange, apparentant ce dessin à une photographie de son fils Charles et marquant son intérêt pour ce médium.

Le thème du monogramme est susceptible de tirer son origine d’un projet de chiffre que Hugo devait dessiner pour être brodé par une proche du cercle familial, Augustine Allix, sœur du docteur Émile Allix, et qui a joué ensuite un rôle notable dans la relation amoureuse du couple, en particulier dans les décors de Hauteville II, la seconde maison de Juliette à Guernesey, que Victor Hugo réalisa en 1863-1864. Ce dessin emblématique, par sa force iconographique, par sa qualité d’exécution, par la symbolique à connotation autobiographique des motifs de Marine Terrace et des initiales imbriquées, proclamant au-dessus de la demeure familiale l‘union avec Juliette, a été considéré comme représentant un témoin sans équivalent de l’œuvre graphique d’Hugo, notamment du fait de son caractère « surréaliste » précurseur. En conséquence, cette œuvre présente un intérêt majeur pour le Patrimoine national du point de vue de l’histoire et de l’art et a été considérée comme un trésor national.

Exporter un bien culturel ou un trésor national  

Pour rappel, pour sortir du territoire national, un bien culturel est soumis à contrôle. Cette réglementation à l’exportation s’applique aux professionnels comme aux particuliers. La procédure diffère selon que l’œuvre est qualifiée de bien culturel ou de trésor national. L’exportation temporaire ou définitive d’un bien culturel ayant un intérêt historique, artistique ou archéologique, est soumise à autorisation, selon sa valeur et son ancienneté. L’importation en revanche ne fait l’objet que d’un contrôle douanier, comme toute autre marchandise. Quelles que soient sa valeur et son ancienneté, un bien culturel qualifié de trésor national ne peut sortir de France que de façon temporaire, avec un retour obligatoire.

Transport d’œuvres et objets d’art

Dans le cadre de la protection du patrimoine culturel national, certaines œuvres d’art ou biens culturels font l’objet d’une réglementation particulière à l’exportation. Les objets d’art, de collection et d’antiquité font depuis longtemps l’objet d’une protection particulière, en raison de l’intérêt qu’ils peuvent présenter pour la préservation ou l’enrichissement du patrimoine culturel, artistique, historique ou archéologique de la France. L’administration des douanes et droits indirects y contribue largement en contrôlant, pour le compte du ministère chargé de la culture, les mouvements licites de ces biens et en réprimant les trafics frauduleux.

Si vous transportez une œuvre d’art dont la valeur et/ou l’ancienneté sont inférieures aux seuils prescrits dans la catégorie d’appartenance, vous pouvez quitter le territoire douanier national sans qu’aucune autorisation n’accompagne l’œuvre d’art. Si vous transportez une œuvre d’art dont la valeur et/ou l’ancienneté sont égales ou supérieures aux seuils prescrits dans la catégorie d’appartenance : l’œuvre d’art acquiert la qualité de « bien culturel », sa sortie du territoire douanier national est subordonnée à la délivrance d’ un certificat (ou d’une Autorisation de Sortie Temporaire-AST) et sa sortie du territoire douanier communautaire est subordonnée à la délivrance d’une licence, ces différents documents étant toujours délivrés par le ministère de la culture.

Si vous quittez le territoire douanier national et vous circulez dans le territoire douanier communautaire avec un bien culturel, vous devez solliciter auprès du service compétent du ministère de la culture et de la communication (liste en annexe) la délivrance d’un certificat (ou d’une AST). Si vous quittez le territoire douanier national et le territoire douanier communautaire (vous allez dans un pays tiers), vous devez solliciter auprès du service compétent du ministère de la culture et de la communication (liste en annexe) la délivrance d’un certificat (pour quitter le territoire douanier national et d’une licence (pour quitter le territoire douanier communautaire). La douane est dans les deux cas chargée de contrôler la présence du document de surveillance, à la circulation intra-communautaire (le certificat ou l’AST) ou lors des formalités douanières (la licence).

Œuvres concernées  

Les œuvres d’art soumises à formalités sont les trésors nationaux et les biens culturels. Les trésors nationaux sont (article L. 111-1 du code du patrimoine) : les biens appartenant aux collections publiques et aux collections des musées de France, les biens classés en application des dispositions relatives aux monuments historiques et aux archives, les autres biens qui présentent un intérêt majeur pour le patrimoine national au point de vue de l’histoire, de l’art ou de l’archéologie.

Sont des trésors nationaux : les biens culturels sont i) ceux dont l’exportation vers un pays tiers est subordonnée à la délivrance d’une autorisation d’exportation (ou licence), lorsque leur valeur et leur ancienneté sont égales ou supérieures aux seuils fixées par leur catégorie d’appartenance (annexe du règlement 116/2009 du 18 décembre 2008) ; ii) ceux dont la sortie du territoire douanier national est subordonnée à la délivrance d’une autorisation (certificat ou AST), lorsque leur valeur et leur ancienneté sont égales ou supérieures aux seuils fixés par leur catégorie d’appartenance.

Depuis 2001, les biens culturels soumis à autorisation pour sortir du territoire douanier national ne sont plus tout à fait les mêmes que ceux soumis à autorisation pour sortir du territoire douanier communautaire. Cependant, la réglementation s’applique de façon cumulative : i) le certificat (ou l’AST) autorise la sortie d’un bien culturel du territoire douanier national : le document est exigible pour les biens culturels qui restent dans l’Union européenne ou qui sont exportés dans un pays tiers, la licence autorise la sortie d’un bien culturel du territoire douanier communautaire : le document est exigible pour les biens culturels qui sont exportés dans un pays tiers.

Le certificat d’exportation peut être soit refusé par le ministre chargé de la culture avec publication d’un avis motivé, une procédure de rachat du bien culturel par l’autorité administrative ou toute autre personne publique étant alors prévue dans le code du patrimoine, soit délivré au demandeur.

Faculté de rachat

Dans le délai de trente mois, l’autorité administrative peut, dans l’intérêt des collections publiques, présenter une offre d’achat d’un bien culturel. Cette offre tient compte des prix pratiqués sur le marché international. Si le propriétaire du bien n’accepte pas l’offre d’achat dans un délai de trois mois, l’autorité administrative peut faire procéder à une expertise pour fixer le prix du bien. L’autorité administrative et le propriétaire du bien désignent, chacun à leur frais, un expert. En cas de carence, le président du tribunal judiciaire statuant en référé procède à la désignation. Ces experts rendent un rapport conjoint dans un délai de trois mois à compter de leur désignation.

En cas de divergences entre ces experts, le prix du bien est fixé par un expert désigné conjointement par l’autorité administrative et le propriétaire du bien ou, à défaut d’accord, par le président du tribunal judiciaire statuant en référé. Cet expert, dont la rémunération est supportée pour moitié par chacune des parties, rend son rapport dans un délai de trois mois à compter de sa désignation. L’autorité administrative dispose d’un délai de deux mois à compter de la remise du rapport d’expertise fixant le prix du bien pour adresser au propriétaire une offre d’achat à la valeur d’expertise. A l’issue de ce délai, en l’absence d’offre d’achat présentée par l’Etat, le certificat mentionné à l’article L. 111-2 ne peut plus être refusé. Si, dans un délai de deux mois à compter de l’offre d’achat, le propriétaire la refuse ou n’a pas fait savoir qu’il l’acceptait, le refus de délivrance du certificat est renouvelé. Aucune indemnité n’est due à ce titre. Si le propriétaire du bien accepte l’offre d’achat, le paiement doit intervenir dans un délai de six mois à compter de l’accord du propriétaire à peine de résolution de la vente. En cas de renouvellement du refus de délivrance du certificat, la procédure d’offre d’achat et d’expertise demeure applicable.

L’acquéreur, le donataire, le copartageant, l’héritier ou le légataire d’un bien culturel reconnu trésor national et non classé en application des dispositions relatives aux monuments historiques et aux archives doit, dans le délai de trois mois suivant la date constatant la mutation, le partage ou la déclaration de succession, aviser l’Etat qu’il en est devenu propriétaire.

Tout propriétaire qui aliène un bien culturel est tenu, à peine de nullité de la vente, de faire connaître à l’acquéreur l’existence du refus de délivrance du certificat d’exportation.  Est nulle toute aliénation du bien consentie par le propriétaire ou ses ayants cause après avoir accepté une offre d’achat adressée par l’autorité administrative. L’action en nullité se prescrit par six mois à compter du jour où l’autorité administrative a eu connaissance de la vente. Elle ne peut être exercée que par l’autorité administrative.

Délivrance du certificat d’exportation

L’exportation temporaire ou définitive hors du territoire douanier des biens culturels, autres que les trésors nationaux, qui présentent un intérêt historique, artistique ou archéologique est subordonnée à l’obtention d’un certificat délivré par l’autorité administrative. Ce certificat atteste à titre permanent que le bien n’a pas le caractère de trésor national. Toutefois, pour les biens dont l’ancienneté n’excède pas cent ans, le certificat est délivré pour une durée de vingt ans renouvelable. L’exportation des biens culturels qui ont été importés à titre temporaire dans le territoire douanier n’est pas subordonnée à l’obtention du certificat. A titre dérogatoire et sous condition de retour obligatoire des biens culturels sur le territoire douanier, le certificat peut ne pas être demandé lorsque l’exportation temporaire des biens culturels a pour objet une restauration, une expertise ou la participation à une exposition. Dans ce cas, l’exportation temporaire est subordonnée à la délivrance par l’autorité administrative d’une autorisation de sortie temporaire.  

A l’occasion de la sortie du territoire douanier d’un bien culturel, le certificat ou l’autorisation de sortie temporaire doit être présenté à toute réquisition des agents des douanes.

L’instruction de la demande de certificat peut être suspendue s’il existe des présomptions graves et concordantes que le bien appartient au domaine public, a été illicitement importé, constitue une contrefaçon ou provient d’un autre crime ou délit. Le certificat ne peut être refusé qu’aux biens culturels présentant le caractère de trésor national. Aucune indemnité n’est due du fait du refus de délivrance du certificat. Il est accordé aux biens culturels licitement importés dans le territoire douanier depuis moins de cinquante ans. Le refus de délivrance du certificat ne peut intervenir qu’après avis motivé d’une commission composée à parité de représentants de l’Etat et de personnalités qualifiées et présidée par un membre de la juridiction administrative. La décision de refus de délivrance du certificat est motivée. Elle comporte, par écrit, l’énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement.  L’instruction de la demande de certificat peut comprendre l’obligation de présenter matériellement le bien aux autorités compétentes. En cas de refus du certificat, toute demande nouvelle pour le même bien est irrecevable pendant une durée de trente mois à compter de la date du refus.

Est puni de deux années d’emprisonnement et d’une amende de 450 000 euros le fait, pour toute personne, d’exporter ou de tenter d’exporter un bien culturel sans certificat d’exportation.  Est puni des mêmes peines le fait, pour toute personne, d’importer, d’exporter, de faire transiter, de vendre, d’acquérir ou d’échanger un bien culturel sans certificat d’exportation.  Les auteurs des infractions aux encourent, en outre, la confiscation des biens en cause.


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