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ARRÊT DU
08 Juillet 2022
N° 1225/22
N° RG 20/02154 – N° Portalis DBVT-V-B7E-TIAI
PS/CL
Jugement du
Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de Lannoy
en date du
29 Septembre 2020
(RG 19/00016 -section )
GROSSE :
aux avocats
le 08 Juillet 2022
République Française
Au nom du Peuple Français
COUR D’APPEL DE DOUAI
Chambre Sociale
– Prud’Hommes-
APPELANT :
M. [N] [T]
[Adresse 2]
[Adresse 2]
représenté par Me Ioannis KAPPOPOULOS, avocat au barreau de VALENCIENNES substitué par Me François BIZEUR, avocat au barreau de VALENCIENNES
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Partielle numéro 591780022021001093 du 02/02/2021 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de DOUAI)
INTIMÉE :
S.A.S. E.B.S ISOLATION
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représentée par Me Catherine CAMUS-DEMAILLY, avocat au barreau de DOUAI substitué par Me Cecile HULEUX, avocat au barreau de DOUAI, assistée de Me Alexandre BENSOUSSAN, avocat au barreau de PARIS substitué par Me GUILLAUME COEURDEVEY, avocat au barreau de PARIS
DÉBATS :à l’audience publique du 07 Juin 2022
Tenue par Patrick SENDRAL
magistrat chargé d’instruire l’affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s’y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,
les parties ayant été avisées à l’issue des débats que l’arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.
GREFFIER : Cindy LEPERRE
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ
Monique DOUXAMI
: PRÉSIDENT DE CHAMBRE
Alain MOUYSSET
: CONSEILLER
Patrick SENDRAL
: CONSEILLER
ARRÊT :Contradictoire
prononcé par sa mise à disposition au greffe le 08 Juillet 2022,
les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l’article 450 du code de procédure civile, signé par Monique DOUXAMI, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 17 Mai 2022
FAITS ET PROCEDURE
Le 4 janvier 2016 M.[T] a été engagé par la société EBS ISOLATION en qualité de poseur. Le 17 avril 2018 il a été licencié pour cause disciplinaire. Par jugement ci-dessus référencé auquel il est renvoyé pour plus ample connaissance de la procédure les premiers juges, saisis par M.[T] de diverses réclamations indemnitaires au titre de son licenciement à ses dires dénué de cause réelle et sérieuse, l’ont débouté de ses demandes.
Vu l’appel formé par M.[T] contre ce jugement et ses conclusions tendant à la condamnation de la société EBS ISOLATION au paiement des sommes suivantes:
dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse: 13 591 euros
frais non compris dans les dépens: 2000 euros
Vu les conclusions par lesquelles la société EBS ISOLATION demande la confirmation du jugement, le rejet des demandes adverses ainsi qu’une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
Vu l’article 455 du code de procédure civile
Vu l’ordonnance de fixation de l’affaire et de clôture
MOTIFS
La lettre de licenciement fixant les limites du litige est ainsi rédigée :
Le 5 mars 2018, la machine de « soufflage » de la laine de verre a pris feu sur un chantier.
Après vérification de celte-ci, il s’avère qu’elle a été mal été entretenue, contrairement à vos engagements contractuels. Vous avez d’abord soutenu à votre responsable hiérarchique ne pas avoir été formé à l’entretien des équipements qui ont été placés sous votre responsabilité. Après vérification, nous constatons que vous avez bien été formé lors de votre intégration dans l’entreprise, les documents signés de votre main en attestent. Après plus de deux passés dans l’entreprise, vous semblez toujours découvrir vos obligations et c’est justement le reproche que nous vous adressons. Votre inconséquence représente un préjudice financier non négligeable, deux demies journées de perdu pour bous et votre coéquipier: arrêt d’activité vers 11 h (un seul chantier réalisé le 05/03/2018) et reprise d’activité à 12h20 le mars 2018.
Par ailleurs, le 6 mars 2018, malgré la note de service du 06 octobre 2017, qui vous a été renvoyée en recommandée AR W 1 A 146 158 0352 9 en date du 11 décembre 2017, vous continuez à circuler à l’étranger (Belgique) avec le véhicule de service qui vous a été confié, alors que cela est strictement interdit. En outre, à la même date nous constatons que vous rouliez à nouveau au-dessus des limites autorisées 89 km/heure au lieu de 50 kmlheure ce qui contrevient à vos obligations contractuelles (cf. article 6 de votre contrat de travail et son alinéa a).
Nous rencontrons par ailleurs les pires difficultés à travailler avec vous. En effet, à titre d’illustration, le 29 janvier 2018, vous reportez l’intervention d’un chantier situé à [Localité 6] prévu à 8h30, au motif qu’il y a un temps de route de 2 heures entre [Localité 4], ville où est domiciliée notre établissement, et [Localité 7] (1h30 selon MAPPY), alors que vous êtes vous-même domicilié à [Localité 5], que le camion de l’entreprise vous avait été confié à cet effet, et que la distance entre ces deux destinations était de 71 km pour un temps de estimé à 50 minutes (selon Mappy). Il apparaît clairement que pour une prise de poste à 7 h 30 il était tout à fait possible d’être en mesure de commencer le chantier à 8h30. Derechef, le 5/0212018 vous reportez un chantier prévu cette fois à 09h30 à [Localité 6] pour les mêmes motifs fallacieux (temps de route entre [Localité 4] et [Localité 6] … 1h45 !fIl) alors que votre lieu de départ réel est [Localité 5]. Le 7 février 2018, votre responsable hiérarchique Monsieur [G] [Z] constate quant à lui de nombreux autres disfonctionnements. En effet, chaque matin vous attendez, avec Monsieur [E], vos collègues en provenance de [Localité 4], soit 2 heures de travail non réalisées pour vous et votre collègue…
En outre, les collaborateurs qui sont en contact permanent avec vous se plaignent d’un mode de communication irrespectueux envers vos collègues, ce que vous avez nié lors de notre entretien, et ce, malgré les affirmations répétées de vos collègues. En effet, quatre de vos collègues se sont plaints de manière récurrente et ont pu soit être témoins d’insultes à l’égard de leur collègue (noms d’oiseau »}, soit être directement raillés. En effet et à titre d’exemple, le 20 février 2018, vous refusez à nouveau des chantiers au motif que le temps de trajet « serait trop long» ( sic) Vous avez au fil des jours imposé vos horaires de travail aux planificatrices « pas de chantier avant 09h30/10h » puis par suite « pas de chantier après 16h » au prétexte que « vous vous auriez une vie de famille » sous entendant que vos collègues n ‘en ont pas. Tant et si bien, que suite à votre refus constant et à vos multiples injonctions, le 6 février 2018, le Directeur des ressources humaines a été sollicité et contraint de vous appeler en personne afin que vous daigniez réaliser un chantier déjà reporté. Vous avez alors pourtant fini par convenir que vous « étiez bien en mesure de le réaliser, puisque votre journée de travail avait commencé à 1O h et ledit chantier était programmé à 16h30. En définitive, vous avez d’ailleurs avancé ledit chantier pour fini plus tôt (14h40). Tous ces dysfonctionnements révèlent votre état d’esprit et le manque crucial d’investissement à l’égard de votre travail. Votre comportement nuit gravement à notre relation client, vos reports intempestifs non justifiés créent un préjudice significatif à l’entreprise, tant en termes d’image que financier ; ces reports nécessitant une nouvelle planification et un report de calendrier.
En outre, vos collègues n’ont pas à subir vos sautes d’humeur, vos colères inopinées et votre impolitesse. Certaines se sont aussi plaintes de propos sexistes. Tout comme cette dame, usager de la route qui s’est plainte de votre comportement irrespectueux (insultes) et les propos déplacés que vous avec tenus à son égard « vous êtes un danger public! vous êtes bien une femme! » après avoir fait une embardée et vous être collé à son véhicule à hauteur de sa portière avant de vous rendre dans une boucherie à 15h30 de l’après-midi et ce pendant votre temps de travail. En raison de ces difficultés répétées, notamment au service bailleur, une de vos collègues de travail avec qui vous collaboriez fréquemment, excédée et épuisée, a été arrêtée pendant plusieurs semaines.En tant qu’employeur nous nous devons de garantir l’intégrité physique et morale de nos collaborateurs. Votre comportement a largement dépassé le cadre professionnel acceptable. La courtoisie et le respect sont des éléments essentiels au bon fonctionnement d’une équipe. Enfin, le 9 mars 2018, vous étiez affecté en région parisienne (seine et marne) alors que votre coéquipier était déjà sur le chantier, vous êtes arrivé, à bord du véhicule d’une jeune femme, TOYOTA Y ARIS immatriculé [Immatriculation 3], en retard sur le chantier, à 10h 15 précises. A la fin du chantier, cette jeune femme ayant stationné à proximité du domicile de la cliente, s’est présentée au camion sans prendre la peine de saluer les personnes en présence, soit le responsable de l’agence ile de France et la cliente Mme [H], et s’est adressée directement à vous dans une langue étrangère. A aucun moment vous n’avez présenté cette personne à l’assemblée. Votre seule remarque lors de notre entretien a été d’expliquer que votre concubine était une femme polie et qu’elle se trouvait sur la voie publique. Or force est de constater que, d’une part elle ne s’est ni présentée et n ‘a pas salué les personnes en présence dont la cliente, ce qui est quelque peu cavalier et que d’autre part cela n’explique en rien sa présence sur votre lieu de travail et pendant vos heures de travail. D’ailleurs son véhicule était de nouveau stationné à proximité du camion sur le deuxième chantier. Deuxième chantier que vous avez de votre propre chef avancé. Ce dernier était prévu à 14h, ce que vous avez confirmé au responsable d’agence Ile de France, néanmoins vous vous êtes tout de même présenté à 12h 15, puis vous avez finalement annulé le chantier en raison d’un problème technique (câble) ..Une nouvelle fois vous ne semblez pas comprendre ce qui vous est reproché. Pourtant votre manque de respect, de rigueur et de professionnalisme n’est plus à démontrer, votre productivité s’en trouve fortement impactée.
En conséquence et en raison de ce qui précède nous vous notifions par la présente votre licenciement pour cause réelle et sérieuse.’
Sur les trois griefs suivants les moyens invoqués par le salarié au soutien de son appel ne font que réitérer sous une forme nouvelle, mais sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents que la Cour adopte sans qu’il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail de leur argumentation. Sur lesdits griefs il sera ajouté ce qui suit:
il ressort des éléments versés aux débats que M.[T] a circulé à l’étranger, en l’espèce en Belgique, alors que par note de service du 6/10/2017 l’employeur avait formellement interdit toute circulation de ses véhicules à l’étranger. Pour toute défense le salarié indique avoir suivi les indications du système GPS mais elle est inopérante dès lors que connaissant l’interdiction applicable même aux déplacements professionnels il lui incombait de trouver un itinéraire sur le territoire français et d’y rester. Au demeurant, l’intéressé ne fournit aucune explication sur les motifs de sa circulation dans un pays étranger, ils n’allègue pas s’être trouvé dans l’impérieuse nécessité de passer outre l’interdiction et il argumente en vain sur la prétendue illicéité du système de recueil des données GPS alors que la géolocalisation des véhicules de l’entreprise a été mise en place au terme d’un processus régulier détaillé par le Conseil de Prud’hommes et non utilement contesté en cause d’appel.
Il ressort par ailleurs des courriels et des témoignages que M.[T] ne s’est pas présenté sur son lieu de travail à [Localité 6] les 29 janvier et 5 février 2018 alors que son employeur l’y avait affecté. Les explications fournies par l’intéressé pour justifier de ses absences, tenant à un délai de route ne présentant pas de caractère excessif et à la prétendue nécessité de ne pas dissocier les équipes sont inopérantes, le fait étant que sans motif légitime et pour des raisons étrangères à l’intérêt de l’entreprise il n’a pas respecté les consignes de son employeur.
Il résulte enfin du dossier qu’étant pourtant tenu conformément au contrat de travail de veiller à son entretien M.[T] n’a pas porté un soin suffisant à l’entretien de la machine mise à sa disposition ce qui a joué un rôle causal dans son embrasement le 5 mars 2018.
Ces faits sont d’autant plus problématiques qu’ils sont survenus après des rappels à l’ordre les 30 janvier 2017 (absence sur chantier, insubordination) et 11 décembre 2017 (utilisation du véhicule de service à des fins personnelles) ce qui pour un salarié ayant à peine un an d’ancienneté constitue un renouvellement de comportements incompatibles avec le maintien de la relation contractuelle. Sans qu’il y ait lieu d’examiner les autres griefs les faits ainsi établis constituent à eux seuls une cause réelle et sérieuse de licenciement. Le jugement sera donc confirmé.
Les frais de procédure
L’appel ayant engendré des frais qu’il serait inéquitable de laisser totalement à la charge de son ancien employeur M.[T] devra lui payer une somme sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile au titre des frais exposés en appel.
PAR CES MOTIFS, LA COUR
CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions
CONDAMNE M.[T] à payer à la société EBS ISOLATION la somme de 800 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile
CONDAMNE M.[T] aux dépens d’appel.
LE GREFFIER
Nadine BERLY
LE PRESIDENT
Monique DOUXAMI