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AFFAIRE : N° RG 21/00189
N° Portalis DBVC-V-B7F-GVMU
Code Aff. :
ARRET N°
C.P
ORIGINE : Décision du Conseil de Prud’hommes – Formation paritaire de CAEN en date du 17 Décembre 2020 – RG n° F 20/00043
COUR D’APPEL DE CAEN
Chambre sociale section 1
ARRET DU 05 MAI 2022
APPELANTE :
Madame [D] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représentée par Me Bernard HOYE, avocat au barreau de LISIEUX, substitué par Me JOUANNEAU-LAUNAY, avocat au barreau de CAEN
INTIMEE :
E.A.R.L. EDEN FARM prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Gaël BALAVOINE, avocat au barreau de CAEN
DEBATS : A l’audience publique du 21 février 2022, tenue par Mme VINOT, Conseiller, Magistrat chargé d’instruire l’affaire lequel a, les parties ne s’y étant opposées, siégé seul, pour entendre les plaidoiries et en rendre compte à la Cour dans son délibéré
GREFFIER : Mme ALAIN
COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :
Mme DELAHAYE, Présidente de Chambre,
Mme PONCET, Conseiller,
Mme VINOT, Conseiller, rédacteur
ARRET prononcé publiquement contradictoirement le 05 mai 2022 à 14h00 par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinea de l’article 450 du code de procédure civile et signé par Mme DELAHAYE, présidente, et Mme ALAIN, greffier
Soutenant avoir vécu en concubinage avec M. [S], avoir travaillé en qualité de responsable d’écuries et d’élevage pour ce dernier en Belgique puis, à compter de janvier 2015 et jusqu’au 31 janvier 2018 en France, pour le compte de la société Eden farm créée à cette date par ce dernier, Mme [L] a, le 15 janvier 2019, saisi le conseil de prud’hommes de Lisieux aux fins de voir reconnaître l’existence d’un contrat de travail avec la société Eden farm, obtenir paiement d’un rappel de salaire, d’une indemnité pour travail dissimulé et de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.
Par ordonnance du premier président de la cour d’appel, le conseil de purd’hommes de Lisieux a été dessaisi et l’affaire a été renvoyée devant le conseil de prud’hommes de Caen.
Par jugement du 17 décembre 2020, le conseil de prud’hommes de Caen a :
– débouté Mme [L] de l’ensemble de ses demandes
– débouté la société Eden farm de ses demandes reconventionnelles
– dit que chaque partie conservera la charge de ses dépens.
Mme [L] a interjeté appel de ce jugement, en celles de ses dispositions l’ayant déboutée de ses demandes.
Pour l’exposé des moyens des parties, il est renvoyé aux conclusions du 13 avril 2021 pour l’appelante et du 12 juillet 2021 pour l’intimée.
Mme [L] demande à la cour de :
– réformer le jugement
– condamner la société Eden farm à lui payer les sommes de :
– 77 583,08 euros à titre de rappel de salaire
– 7 758,30 euros à titre de congés payés afférents
– 14 566,33 euros à titre d’indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse
– 4 734,06 euros à titre d’indemnité légale de licenciement
– 7 283,16 euros à titre d’indemnité de préavis
– 21 849,48 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé
– 3 500 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La société Eden farm demande à la cour de :
– confirmer le jugement en ce qu’il a débouté Mme [L] de ses demandes
– infirmer le jugement en ce qu’il l’a déboutée de ses demandes et a mis à sa charge ses dépens
– condamner Mme [L] à lui payer les sommes de 5 000 euros pour procédure abusive et 5 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 9 février 2022.
SUR CE
Mme [L] expose que depuis qu’elle a vécu en couple avec M. [S], soit depuis octobre 2011, elle a travaillé pour le compte de ce dernier en l’aidant dans un premier temps au haras de [Localité 6] en Belgique en sus de son emploi chez Marionnaud puis dans le cadre de la société Eden farm sise en Normandie à [Localité 2].
Sur ces premiers points, il convient de relever que les observations relatives à un travail antérieur à la création de la société Eden farm sont inopérantes dès lors que la demande est dirigée contre cette dernière créée le 16 janvier 2015, que Mme [L] et M. [S] en étaient les deux associés (49 parts pour elle et 51 pour lui sur les 100 parts de la société) et M. [S] le gérant, que Mme [L] a cédé ses parts le 29 mars 2018 après la séparation du couple, que s’agissant de son emploi chez Marionnaud cette dernière qui en affirme l’existence, ne fournit ni le contrat de travail ni la justification de sa prétendue rupture en novembre 2015 alors que la société Eden farm relève cette absence de justification et expose, par des affirmations non contestées, que Mme [L] travaillait pour le compte de Marionnaud à hauteur de 32 heures par semaine à [Localité 5].
Et il sera ajouté qu’il n’est pas contesté que Mme [L] possédait un cheval et était elle-même cavalière.
Il sera encore relevé qu’il est constant que Mme [L], déclarée comme ‘associée participante’ à la MSA, ne fait état d’aucun contrat de travail ni d’éléments permettant de retenir une apparence de contrat de sorte que c’est à elle d’apporter la preuve de la relation salariale prétendue.
Elle verse à cet effet aux débats des feuilles de sa main sur lesquelles elle a énuméré des tâches et des horaires (tâches et horaires dont elle reprend l’énumération dans ses conclusions) outre diverses attestations et photographies et un échange de SMS.
Mme [J] atteste avoir constaté au cours d’une visite le week-end des 3 et 4 octobre 2016 que M. [S] et Mme [L] étaient seuls à s’occuper des écuries, sans personnel, que M. [S] a demandé à Mme [L] de préparer son cheval de tête qu’il souhaitait faire travailler, ce que celle-ci a fait, elle atteste encore qu’elle a vu Mme [L] le 31 décembre 2016 car celle-ci était venue seule dans la région parisienne afin d’emmener trois cheveaux à la clinique vétérinaire.
Pour le surplus elle atteste que Mme [L], qu’elle connaît depuis 25 ans, était quelqu’un de très dynamique qui n’aimait pas rester à la maison sans rien faire et que c’est donc ‘tout naturellement que M. [S] lui confiait des tâches dans la gestion des écuries en organisant ses journées’
M. [A] atteste s’être rendu aux écuries à de nombreuses reprises pour visite de courtoisie ou commerce, avoir pu voir que Mme [L] effectuait les tâches de nourrir les chevaux, donner le foin, balayer, entretenir les écuries, monter et travailler les chevaux, les sortir, les présenter pour le commerce, faire le tour des prairies, ajoutant que cette dernière l’a informé que pendant les déplacements de M. [S] le programme était fait par lui à l’avance.
Dans un second témoignage il indique que le 16 mai 2017 Mme [L] a organisé et géré l’essai de plusieurs chevaux.
Mme [L], soeur de l’appelante, atteste avoir pu constater quand elle se rendait chez sa soeur à l’occasion de vacances, fêtes, week-ends, que sa soeur s’occupait chaque jour des écuries et des chevaux, ajoutant ‘je précise que c’était M. [S] qui donnait un planning à ma soeur en son absence ou quand il était présent un planning quotidien était affiché aux écuries’.
Mme [U], mère de l’appelante atteste avoir constaté lors de ses visites que sa fille travaillait conscienceusement que ce soit en présence ou en l’absence de M. [S], que ‘le programme quotidien établi par M. [S] était affiché dans les écuries’.
Mme [K], mère des nièces de Mme [L], atteste avoir constaté lors de ses venues pendant des vacances ou fêtes que Mme [L] travaillait 7 jours sur 7 et effectuait un nombre de tâches conséquentes dictées par M. [S] qui lui éditait un tableau de tâches quotidiennes lors de ses absences.
Ces témoins énoncent les taches faites dans les mêmes termes que M. [A].
M. [L], frère de Mme [L], atteste en termes similaires.
Mme [H], atteste avoir été témoin lors du week-end du 4 et 5 octobre 2016 que Mme [L] agissait sous les ordres de M. [S] qui lui faisait faire toutes les tâches d’un palefrenier soigneur, lui préparait les chevaux qu’il souhaitait monter et faisait les soins.
M. [F] atteste en termes similaires au sujet du même week-end.
Mme [M] atteste être passée le 7 mars 2017 rendre visite à Mme [L] qui était très occupée et lui a expliqué son travail.
Mme [O], photographe, atteste avoir été témoin de l’implication de Mme [L] qui travaillait toute la journée, M. [S] effectuant un tableau le matin qui ‘appliquait les tâches quotidiennes de chaque employé ainsi que celles de Mme [L]’, sans indiquer clairement en quelle qualité elle atteste ni la date de ses constatations, la mention de l’agressivité de M. [S] lors de sa démission avec l’ajout entre parenthèses ‘anciennement employé au haras de [Localité 6]’ laissant supposer qu’elle atteste de faits s’étant déroulés dans ce haras, soit à une période non visée par le présent litige.
Quant à Mme [Z], elle atteste expressément de faits constatés lors du séjour de ses chevaux au haras de [Localité 6], ce qui appelle la même observation que ci-dessus.
Sont produites en vrac des photographies non autrement commentées qui montrent simplement des lieux ou bien Mme [L] à cheval sans autres explications, seule l’une d’elles (n°35 bis) étant commentée dans les conclusions comme apportant la preuve de ce que M. [S] inscrivait pour chaque cheval les initiales de ceux qui devaient les monter.
Or, cette photographie n’est pas datée et représente un tableau afférent à un jour non précisé, ce tableau comportant des initiales en face du nom de chevaux, sans renseigner sur la tâche concernée, ni sur l’auteur du tableau et, surtout, sans mentionner les initiales de Mme [L].
Mme [L] allègue encore que M. [S] aurait reconnu son travail dans un litige concernant une ancienne salariée et se réfère à la décision de la cour de la lecture de laquelle cependant il ne résulte aucunement une motivation permettant de retenir l’existence d’un lien de subordination entre Mme [L] (qui aurait affirmé que cette salariée ‘l’assistait’) et la société Eden farm.
Enfin, Mme [L] soutient que le registre du personnel serait révélateur car les palefreniers réalisent 17 heures de travail en tout et ne sauraient donc pourvoir à l’ensemble des tâches mais, d’une part, le registre du personnel ne renseigne pas sur les horaires des palefreniers-grooms, d’autre part, il ne renseigne pas sur le lien de subordination éventuel entre Mme [L] et la société, la principale question litigieuse au regard de la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail étant celle du lien de subordination dès lors qu’il n’est pas sérieusement contesté que Mme [L] accomplissait un certain nombre de tâches au sein de l’exploitation.
Or, les attestations évoquées sont insuffisantes à l’établir.
En effet, il est exactement soutenu par l’intimée que les témoins membres de la famille ou amis n’ont été présents dans l’exploitation que de façon sporadique, soit lors de vacances ou week-ends soit une seule fois, que les deux témoignages prétendument rédigés par M. [A] portent une signature complètement différente, seul le second étant manuscrit (le premier est dactylographié) et portant une signature semblable à celle de la carte d’identitié, que si les témoins évoquent l’existence d’un planning ils n’indiquent pas expressément avoir constaté que Mme [L] y figurait, qu’aucun de ces prétendus plannings ou listes de tâches n’est produit aux débats et que la seule photographie de planning produite est afférente à un document qui ne mentionne pas Mme [L], qu’en toute hypothèse même si le nom de Mme [L] figurait sur un planning il ne s’agirait pas d’un élément déterminant, que pour l’essentiel les témoins ne précisent pas avoir eux-mêmes constaté personnellement que M. [S] donnait des ordres à Mme [L] ou ne donnent pas d’éléments circonstanciés permettant de retenir que tel est le cas, seuls deux témoins, Mme [H] et M. [F] évoquant un ordre donné en leur présence sans pour autant être très précis sur ce point et leurs constatations ne portant que sur deux jours.
Enfin, il sera relevé que la pièce 16 présentée comme un échange de sms entre M. [S] et une amie obtenu dans des conditions indéterminées n’emporte pas davantage la conviction, la réponse apportée (‘moi je suis cavalier pro et elle travaille en coulisses à l’écurie’) à une question sur ce que M. [S] et sa compagne faisaient dans la vie, ce dans le cadre du commencement d’une relation privée, ne pouvant constituer un élément de preuve satisfaisant.
En conséquence, en l’absence de preuve suffisante de l’exécution d’un travail dans un lien de subordination avec la société dont elle était associée, Mme [L] a été exactement déboutée de ses demandes par les premiers juges et le jugement sera confirmé.
Il n’est démontré aucun abus dans le droit d’agir en justice et dans les circonstances de la cause il n’est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Farm eden les frais non compris dans les dépens et le jugement sera également confirmé en ce qu’il a débouté cette société de ses demandes.
PAR CES MOTIFS
LA COUR
Confirme le jugement entrepris.
Y ajoutant,
Déboute la société Eden farm de ses demandes de dommages et intérêts et au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Condamne Mme [L] aux dépens de l’instance d’appel.
LE GREFFIERLE PRESIDENT
M. ALAINL. DELAHAYE