200 000 euros de sanction contre Cnews et Zemmour 
200 000 euros de sanction contre Cnews et Zemmour 
Ce point juridique est utile ?

La sanction de 200 000 euros infligée au service de télévision CNEWS par le CSA, en raison de propos tenus par Eric Zemmour lors de l’émission « Face à l’info », a été confirmée par le Conseil d’Etat.

L’obligation de maîtrise de l’antenne

Cette sanction est fondée, d’une part, sur la méconnaissance par la chaîne CNEWS de son obligation de ne pas diffuser de programmes incitant à la haine et de ne pas encourager des comportements discriminatoires, résultant de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 et des stipulations de l’article 2-3-2 de la convention du 27 novembre 2019 et, d’autre part, sur un manquement à son obligation de maîtrise de l’antenne résultant des stipulations de l’article 2-2-1 de la même convention, également citées ci-dessus.

Propos extrêmes sur les jeunes migrants

Eric Zemmour intervenait régulièrement en qualité de chroniqueur, celui-ci a affirmé à plusieurs reprises, de manière véhémente et sans qu’aucune contradiction sérieuse ne lui soit portée, que les étrangers « mineurs isolés », c’est-à-dire entrés en France sans leur famille, étaient « pour la plupart », des « voleurs », des « violeurs » et des « assassins », que leur présence en France était assimilable à une « invasion » et que le risque que leur présence faisait courir à la population française était tel que plus aucun d’entre eux ne devait être accueilli en France.

En estimant que la diffusion dans ces conditions de tels propos incitant à la haine et à des comportements discriminatoires envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur nationalité caractérisait une méconnaissance des dispositions de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et des stipulations de l’article 2-3-2 de la convention du 27 novembre 2019, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a exactement qualifié les faits de l’espèce.

Aucune réaction, aucune contradiction

Aucune réaction suffisamment marquée n’avait été apportée aux propos tenus par les personnes présentes sur le plateau, que demeurait sans incidence la circonstance qu’il ait été indiqué à l’antenne que ces propos n’émanaient pas de la chaîne, mais du chroniqueur, au demeurant collaborateur de la chaîne et non simple invité, et enfin, que ces propos avaient été diffusés sans modification, alors que l’émission était diffusée avec un léger différé. Il a ce faisant exactement qualifié les faits de l’espèce.

Montant important mais justifié de la sanction

En prononçant une sanction pécuniaire de 200 000 euros, représentant environ 0,5 % du chiffre d’affaire hors taxes réalisé par la société requérante au cours du dernier exercice clos, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a, eu égard à la gravité des manquements relevés, prononcé une sanction qui n’est pas disproportionnée aux fautes reprochées.

Aux termes de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction applicable : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (…) s’assure (…) que les programmes mis à la disposition du public par un service de communication audiovisuelle ne contiennent : /1° Ni incitation à la haine ou à la violence fondée sur l’un des motifs visés à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou à raison de l’identité de genre (…) ».

Aux termes de l’article 2-3-2 de la convention du 27 novembre 2019 signée entre la société requérante et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, pour l’exploitation du service CNEWS : « L’éditeur veille dans son programme : (…) / à ne pas encourager des comportements discriminatoires à raison de la racine ou de l’origine, du sexe, de l’orientation sexuelle, de la religion ou de la nationalité (…) » et l’article 2-2-1 de cette convention stipule que : « L’éditeur est responsable du contenu des émissions qu’il diffuse./ Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne ».

Aux termes de l’article 42-2 de la loi du 30 septembre 1986 : « Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. / Lorsque le manquement est constitutif d’une infraction pénale, le montant de la sanction pécuniaire ne peut excéder celui prévu pour l’amende pénale ».

REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
 
Conseil d’État
5ème – 6ème chambres réunies
12 juillet 2022

 
N°451897, Publié au recueil Lebon
 
Vu la procédure suivante :
 
1° Sous le n°451897, par une requête enregistrée le 20 avril 2021 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, M. A… B… demande au Conseil d’Etat :
 
1°) d’annuler la décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel (CSA) n°2021-2018 du 17 mars 2021 prononçant à l’encontre de la société d’exploitation d’un service d’information une sanction pécuniaire d’un montant de 200 000 euros ;
 
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
2° Sour le n°452475, par une requête, un mémoire en réplique et un autre mémoire, enregistré les 11 mai et 25 octobre 2021 et le 24 mai 2022 au secrétariat du contentieux du Conseil d’Etat, la société d’exploitation d’un service d’information (SESI) demande au Conseil d’Etat :
1°) d’annuler la même décision du Conseil supérieur de l’audiovisuel et, à titre subsidiaire, d’en fixer le montant à 45 000 euros ;
 
2°) de mettre à la charge du CSA la somme de 5 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
…………………………………………………………………………
 
Vu les autres pièces des dossiers ;
 
Vu :
 
 – la loi du 29 juillet 1881 ;
 
 – la loi n°86-1067 du 30 septembre 1986 ;
 
 – le code de justice administrative ;
 
Après avoir entendu en séance publique :
 
— le rapport de Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire,
 
— les conclusions de M. Maxime Boutron, rapporteur public.
 
La parole ayant été donnée, après les conclusions, à la SCP Duhamel, Rameix, Gury, Maître, avocat de l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique et à la SCP Nicolaÿ, de Lanouvelle, avocat de la société d’exploitation d’un service d’Information.
 
Considérant ce qui suit :
 
1. Il résulte de l’instruction qu’à la suite de la diffusion, le 20 septembre 2020, de l’émission « Face à l’info » sur le service de télévision CNEWS, le CSA a infligé à la société d’exploitation d’un service d’information, exploitante du service CNEWS, une sanction pécuniaire de 200 000 euros en raison de propos tenus lors de cette émission par M. B…. par deux requêtes qu’il y a lieu de joindre pour statuer par une seule décision, la société d’exploitation d’un service d’information et M. B… demandent l’annulation de cette sanction.
 
Sur la requête de M. B… :
 
2. Aux termes de l’article 42-8 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction applicable à l’espèce : « Les éditeurs et les distributeurs de services de communication audiovisuelle peuvent former un recours de pleine juridiction devant le Conseil d’Etat contre les décisions du Conseil supérieur de l’audiovisuel prises en application des articles 17-1, 42-1, 42-3 et 42-4 ».
 
3. Il résulte des termes mêmes de la décision attaquée que M. B… n’est pas la personne sanctionnée par la décision qu’il attaque, laquelle, prise sur le fondement des dispositions de l’article 42-1 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, vise à réprimer les manquements imputés à la chaîne CNEWS à raison de propos tenus au cours d’une émission diffusée par cette dernière. par suite, bien que M. B… soit l’auteur des propos en cause et alors même que cette sanction porterait, selon lui, atteinte à sa réputation, il n’est pas recevable à en demander l’annulation, et sa requête doit être rejetée pour ce motif.
 
Sur la requête de la société d’exploitation d’un service d’information :
 
4. Aux termes de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication, dans sa rédaction applicable : « Le Conseil supérieur de l’audiovisuel (…) s’assure (…) que les programmes mis à la disposition du public par un service de communication audiovisuelle ne contiennent : /1° Ni incitation à la haine ou à la violence fondée sur l’un des motifs visés à l’article 21 de la Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne ou à raison de l’identité de genre (…) ». Aux termes de l’article 2-3-2 de la convention du 27 novembre 2019 signée entre la société requérante et le Conseil supérieur de l’audiovisuel, pour l’exploitation du service CNEWS : « L’éditeur veille dans son programme : (…) / à ne pas encourager des comportements discriminatoires à raison de la racine ou de l’origine, du sexe, de l’orientation sexuelle, de la religion ou de la nationalité (…) » et l’article 2-2-1 de cette convention stipule que : « L’éditeur est responsable du contenu des émissions qu’il diffuse./ Il conserve en toutes circonstances la maîtrise de son antenne ».
 
5. Il résulte de l’instruction que la sanction litigieuse est fondée, d’une part, sur la méconnaissance par la chaîne CNEWS de son obligation de ne pas diffuser de programmes incitant à la haine et de ne pas encourager des comportements discriminatoires, résultant des dispositions, citées au point précédent, de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 et des stipulations de l’article 2-3-2 de la convention du 27 novembre 2019 et, d’autre part, sur un manquement à son obligation de maîtrise de l’antenne résultant des stipulations de l’article 2-2-1 de la même convention, également citées ci-dessus.
 
En ce qui concerne le grief d’incitation à la haine et d’encouragement des comportements discriminatoires :
 
6. Il résulte de l’instruction qu’au cours de la séquence litigieuse de l’émission « Face à l’info », dans laquelle M. B… intervenait régulièrement en qualité de chroniqueur, celui-ci a affirmé à plusieurs reprises, de manière véhémente et sans qu’aucune contradiction sérieuse ne lui soit portée, que les étrangers « mineurs isolés », c’est-à-dire entrés en France sans leur famille, étaient « pour la plupart », des « voleurs », des « violeurs » et des « assassins », que leur présence en France était assimilable à une « invasion » et que le risque que leur présence faisait courir à la population française était tel que plus aucun d’entre eux ne devait être accueilli en France. En estimant que la diffusion dans ces conditions de tels propos incitant à la haine et à des comportements discriminatoires envers un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur nationalité caractérisait une méconnaissance des dispositions de l’article 15 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication et des stipulations de l’article 2-3-2 de la convention du 27 novembre 2019, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a exactement qualifié les faits de l’espèce.
 
En ce qui concerne le grief d’absence de maîtrise de l’antenne :
 
7. Pour estimer que l’éditeur de services avait manqué à son obligation de maîtrise de l’antenne, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a relevé qu’aucune réaction suffisamment marquée n’avait été apportée aux propos tenus par M. B… par les personnes présentes sur le plateau, que demeurait sans incidence la circonstance qu’il ait été indiqué à l’antenne que ces propos n’émanaient pas de la chaîne, mais du chroniqueur, au demeurant collaborateur de la chaîne et non simple invité, et enfin, que ces propos avaient été diffusés sans modification, alors que l’émission était diffusée avec un léger différé. Il a ce faisant exactement qualifié les faits de l’espèce.
 
En ce qui concerne le montant de la sanction :
 
8. Aux termes de l’article 42-2 de la loi du 30 septembre 1986 visé ci-dessus : « Le montant de la sanction pécuniaire doit être fonction de la gravité des manquements commis et en relation avec les avantages tirés du manquement, sans pouvoir excéder 3 % du chiffre d’affaires hors taxes, réalisé au cours du dernier exercice clos calculé sur une période de douze mois. Ce maximum est porté à 5 % en cas de nouvelle violation de la même obligation. / Lorsque le manquement est constitutif d’une infraction pénale, le montant de la sanction pécuniaire ne peut excéder celui prévu pour l’amende pénale ».
 
9. En premier lieu, la sanction se fonde exclusivement sur la méconnaissance par la chaîne CNEWS des dispositions et stipulations citées au point 5 et non sur l’éventuelle violation par M. B… des dispositions de l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse aux termes desquelles : « Ceux qui, par l’un des moyens énoncés à l’article 23, auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée, seront punis d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement ».
 
10. par suite, la société requérante ne saurait utilement soutenir qu’en lui infligeant une sanction d’un montant supérieur à celui de l’amende prévue par l’article 24 de la loi du 29 juillet 1881, le Conseil supérieur de l’audiovisuel aurait méconnu la limite fixée par le dernier alinéa de l’article 42-2 de la loi du 30 septembre 1986 relative à la liberté de communication.
 
11. En second lieu, en prononçant une sanction pécuniaire de 200 000 euros, représentant environ 0,5 % du chiffre d’affaire hors taxes réalisé par la société requérante au cours du dernier exercice clos, le Conseil supérieur de l’audiovisuel a, eu égard à la gravité des manquements relevés, prononcé une sanction qui n’est pas disproportionnée aux fautes reprochées.
 
12. Il résulte de tout ce qui précède que la société d’exploitation d’un service d’information n’est pas fondée à demander l’annulation de la décision qu’elle attaque. Sa requête doit, par suite, être rejetée, y compris, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
13. Il y a lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de la société d’exploitation d’un service d’information une somme de 3 000 euros à verser à l’ARCOM, venant aux droits du CSA, au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche il n’y a pas lieu, dans les circonstances de l’espèce, de mettre à la charge de M. B… une somme au titre de cet article.
 
D E C I D E :
 
————–
 
 
Article 1er : La requête de M. B… est rejetée.
 
Article 2 : La requête de la société d’exploitation d’un service d’exploitation est rejetée.
 
Article 3 : La société d’exploitation d’un service d’exploitation versera à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique une somme de 3 000 euros au titre de l’article L. 761-1 du code de justice administrative.
 
Article 4 : Le surplus des conclusions du Conseil supérieur de l’audiovisuel au titre de l’article L.761-1 du code de justice administrative est rejeté.
 
Article 5 : La présente décision sera notifiée à M. B…, à la société d’exploitation d’un service d’information et à l’Autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique.
 
Copie en sera adressée à la ministre de la culture.
 
Délibéré à l’issue de la séance du 27 juin 2022 où siégeaient : M. Christophe Chantepy, président de la section du contentieux, présidant ; Mme Isabelle de Silva, présidente de chambre ; M. Jean-Philippe Mochon, président de chambre ; Mme Suzanne von Coester, Mme Fabienne Lambolez, M. Olivier Yeznikian, M. Cyril Roger-Lacan, M. Laurent Cabrera, conseillers d’Etat et Mme Ségolène Cavaliere, maître des requêtes en service extraordinaire-rapporteure.
 
Rendu le 12 juillet 2022.
 
Le président :
 
Signé : M. Christophe Chantepy
 
La rapporteure :
 
Signé : Mme Ségolène Cavaliere
 
La secrétaire :
 
Signé : Mme Anne-Lise Calvaire
 

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