19 mai 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00504

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19 mai 2022 Cour d’appel de Rouen RG n° 20/00504
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N° RG 20/00504 – N° Portalis DBV2-V-B7E-IMYD

COUR D’APPEL DE ROUEN

CHAMBRE SOCIALE ET DES AFFAIRES DE

SECURITE SOCIALE

ARRET DU 19 MAI 2022

DÉCISION DÉFÉRÉE :

Jugement du CONSEIL DE PRUD’HOMMES DE BERNAY du 20 Décembre 2019

APPELANTE :

Madame [H] [G]

[Adresse 3]

[Localité 1]

représentée par Me Anne-Laure COCONNIER de la SELARL VERDIER MOUCHABAC, avocat au barreau de l’EURE

INTIMEE :

S.A.R.L. DOMAINE DU MILIEU

[Adresse 2]

[Localité 1]

représentée par Me Thierry BRULARD de la SCP BRULARD – LAFONT – DESROLLES, avocat au barreau de l’EURE

COMPOSITION DE LA COUR  :

En application des dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile, l’affaire a été plaidée et débattue à l’audience du 06 Avril 2022 sans opposition des parties devant Madame BACHELET, Conseillère, magistrat chargé du rapport.

Le magistrat rapporteur a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour composée de :

Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente

Madame BACHELET, Conseillère

Madame BERGERE, Conseillère

GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme DUBUC, Greffière

DEBATS :

A l’audience publique du 06 Avril 2022, où l’affaire a été mise en délibéré au 19 Mai 2022

ARRET :

CONTRADICTOIRE

Prononcé le 19 Mai 2022, par mise à disposition de l’arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,

signé par Madame LEBAS-LIABEUF, Présidente et par Mme WERNER, Greffière.

EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE ET DES PRÉTENTIONS DES PARTIES

Mme [H] [G] a été engagée en qualité de moniteur d’équitation par la société Domaine du milieu par contrat de travail à durée déterminée du 4 octobre 2011, puis la relation de travail s’est poursuivie en contrat à durée indéterminée le 3 avril 2012.

Elle a été licenciée pour faute grave le 21 septembre 2015.

Par requête du 5 janvier 2016, Mme [G] a saisi le conseil de prud’hommes de Bernay en contestation du licenciement, ainsi qu’en paiement de rappels de salaire et indemnités.

Une demande de retrait du rôle a été présentée par les parties le 3 mars 2017 et après une demande de réinscription faite le 27 février 2019, les parties ont sollicité un renvoi à deux reprises.

Par jugement du 20 décembre 2019, le conseil de prud’hommes, avec le bénéfice de l’exécution provisoire, a :

– dit que le licenciement de Mme [G] n’était ni nul, ni dépourvu de cause réelle et sérieuse et débouté Mme [G] de toutes ses demandes à ce titre,

– condamné la société Domaine du milieu à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

rappel d`heures supplémentaires : 5 131,82 euros,

congés payés afférents : 513,18 euros,

dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat : 2 500 euros,

dommages et intérêts du fait de la violation du droit à repos : 3 000  euros,

indemnité en application de l’article L. 3133-6 du code du travail : 69,50 euros,

dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence d’information sur ses droits à portabilité de sa couverture : 1 500 euros,

– débouté Mme [G] de ses demandes au titre du travail dissimulé et en raison de l’usage abusif de son image, débouté les parties de leur demande respective au titre de l’article 700 du code de procédure civile et condamné la société Domaine du milieu aux entiers dépens.

Mme [G] a interjeté appel de cette décision le 22 janvier 2020.

Par conclusions remises le 8 mars 2022, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, Mme [G] demande à la cour de :

– à titre principal, infirmer le jugement rendu, dire nul son licenciement et condamner la société Domaine du milieu à lui verser les sommes suivantes :

indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur : 85 056 euros,

indemnité de licenciement : 1 363,62 euros,

indemnité compensatrice de préavis : 3 444 euros,

dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère illicite du licenciement : 17 220 euros,

– à titre subsidiaire, infirmer le jugement rendu, dire sans cause réelle et sérieuse son licenciement et condamner la société Domaine du milieu à lui verser les sommes suivantes :

indemnité de licenciement : 1 363,62 euros,

indemnité compensatrice de préavis : 3 444 euros,

dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait du caractère illicite du licenciement : 17 220 euros,

– en tout état de cause, confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Domaine du milieu à lui verser un rappel d’heures supplémentaires, porter à 7 438,51 euros la somme due à ce titre, outre à 743,85 euros au titre des congés payés afférents,

– infirmer le jugement et condamner la société Domaine du milieu à lui verser la somme de 10 332 euros au titre de l’indemnité forfaitaire pour travail dissimulé,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Domaine du milieu à lui verser des dommages et intérêts du fait de la violation du droit à repos, mais porter cette somme à 5 000 euros,

– confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Domaine du milieu à lui verser la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat, 59,60 euros en application de l’article L.3133-4 du code du travail, 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence d’information sur ses droits à portabilité de sa couverture,

– ordonner la remise des documents de fin de contrat rectifiés sous astreinte de 30 euros par jour de retard et par document,

– condamner la société Domaine du milieu à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’en tous les dépens.

Par conclusions remises le 2 juillet 2020, auxquelles il est renvoyé pour un plus ample exposé de ses moyens, la société Domaine du milieu demande à la cour de :

– déclarer recevable et bien fondé son appel incident à l’égard du jugement en ce qu’il l’a condamnée à verser à Mme [G] les sommes suivantes :

rappel d`heures supplémentaires : 5 131,82 euros,

congés payés : 513,18 euros,

dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de la violation par l’employeur de son obligation de sécurité de résultat : 2 500 euros,

dommages et intérêts du fait de la violation du droit à repos : 3 000 euros,

indemnité en application de l’article L. 3133-6 du code du travail : 69,50 euros,

dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait de l’absence d’information sur ses droits à portabilité de sa couverture : 1 500 euros,

– confirmer le jugement en ce qu’il a dit que le licenciement de Mme [G] n’était pas nul, dire que le licenciement de Mme [G] repose sur une faute grave, débouter en conséquence Mme [G] de l’intégralité de ses demandes et la condamner à lui verser la somme de 3 000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de première instance et d’appel.

L’ordonnance de clôture de la procédure a été rendue le 17 mars 2022.

MOTIFS DE LA DÉCISION

A titre liminaire, il convient de relever qu’il n’est pas sollicité l’infirmation du jugement s’agissant du débouté relatif au droit à l’image.

Sur la demande de rappel de salaire au titre des heures supplémentaires

Mme [G] explique avoir tenu depuis son embauche un agenda reprenant l’ensemble de ses tâches journalières ainsi que le nombre d’heures de travail effectué chaque jour qu’elle annexait à ses fiches de paie, aussi, c’est sur cette base qu’elle réclame le paiement d’heures supplémentaires, sachant que la société Domaine du milieu ne pouvait méconnaître la réalité des heures ainsi effectuées puisqu’elles se faisaient régulièrement durant les week-ends.

La société Domaine du milieu soutient qu’il appartient à Mme [G] d’apporter la preuve d’éléments de nature à étayer sa demande, ce qui ne saurait résulter d’un agenda qu’elle aurait prétendument tenu depuis son embauche, sachant qu’elle n’a jamais réclamé la moindre heure supplémentaire. Bien plus, elle relève qu’elle ne lui a jamais demandé de réaliser des heures supplémentaires et que Mme [G] ne s’investissait absolument pas dans ses fonctions et se contentait donc de ses horaires du mardi au samedi de 9h à 12h et de 14h à 18h.

Aux termes de l’article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, l’employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l’appui de sa demande le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d’instruction qu’il estime utiles. Si le décompte des heures de travail accomplies par chaque salarié est assuré par un système d’enregistrement automatique, celui-ci doit être fiable et infalsifiable.

Il résulte des articles L. 3171-2 à L. 3171-4 du code du travail, qu’en cas de litige relatif à l’existence ou au nombre d’heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l’appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu’il prétend avoir accomplies afin de permettre à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l’ensemble de ces éléments. Après analyse des pièces produites par l’une et l’autre des parties, dans l’hypothèse où il retient l’existence d’heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l’importance de celles-ci et fixe les créances salariales s’y rapportant.

A l’appui de sa demande, Mme [G] produit avec chaque bulletin de salaire un récapitulatif de ses journées comprenant précisément le déroulé de celles-ci, les horaires réclamés ainsi que les heures de début et de fin de service, ce qui constituent des éléments suffisamment précis pour permettre utilement à l’employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d’y répondre utilement.

Au-delà de l’argumentaire précédemment développé, la société Domaine du milieu produit l’attestation de M. [J], lequel explique n’avoir pour sa part réalisé que quelques heures supplémentaires, toujours payées, sans qu’il n’ait jamais constaté que Mme [G] en aurait réalisées puisqu’au contraire, elle quittait le domaine à 18h chaque soir, qu’il n’a pas le souvenir de l’avoir vue partir plus tard et qu’elle ne s’est jamais plainte auprès de lui d’un problème de ce type.

Néanmoins, et alors qu’il résulte des fiches journalières versées aux débats par Mme [G] qu’elle comptabilise la plupart du temps un horaire de sept heures par jour avec un départ à 18 heures, sauf en cas d’attelage ou de prestations en extérieur ne permettant pas à M. [J] de la voir au sein du domaine, la cour a la conviction que Mme [G] a réalisé les heures supplémentaires telles qu’elle les sollicite, sachant que si Mme [Y], maîtresse de maison, indique qu’elle ne s’investissait plus dans son travail, il n’est apporté aucune précision complémentaire.

En outre, et alors que nombre d’heures supplémentaires résulte principalement de travaux et de prestations liées notamment à des attelages ou festivités effectués les week-ends ou sur des lieux éloignés du site, la société Domaine du milieu ne peut sérieusement faire valoir que les heures ainsi réalisées ne l’étaient pas à sa demande.

Ainsi, à défaut de tout élément pertinent apporté par la société Domaine du milieu pour contester les heures réclamées par Mme [G] et alors qu’il importe peu qu’elle n’en ai pas sollicité le paiement durant la relation contractuelle, la cour a la conviction qu’elle a réalisé les heures supplémentaires dont elle demande le paiement et il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de condamner la société Domaine du milieu à payer à Mme [G] la somme de 7 438,51 euros à titre de rappel d’heures supplémentaires pour les années 2013, 2014 et 2015.

Sur la demande d’indemnité pour travail dissimulé

Aux termes de l’article L. 8221-5 du Code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d’emploi salarié le fait pour tout employeur : 1° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l’embauche ;

2° Soit de se soustraire intentionnellement à l’accomplissement de la formalité prévue à l’article L. 3243-2, relatif à la délivrance d’un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d’heures de travail inférieur à celui réellement accompli(…).

Selon l’article L. 8223-1, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l’article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l’article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Alors que, comme indiqué précédemment, la plupart des heures supplémentaires résulte des concours et festivités organisés les week-ends, la société Domaine du milieu, qui n’a jamais réglé la moindre heure supplémentaire à Mme [G], ne pouvait ignorer qu’elle en réalisait et c’est donc intentionnellement qu’elles n’ont pas été portées sur ses bulletins de salaire.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de condamner la société Domaine du milieu à payer à Mme [G] la somme de 10 332 euros à titre d’indemnité pour travail dissimulé correspondant à six mois de salaire.

Sur la demande de rappel de salaire au titre du 1er mai

Selon l’article L. 3133-6 du code du travail, dans les établissements et services qui, en raison de la nature de leur activité, ne peuvent interrompre le travail, les salariés occupés le 1er mai ont droit, en plus du salaire correspondant au travail accompli, à une indemnité égale au montant de ce salaire. Cette indemnité est à la charge de l’employeur.

Alors que Mme [G] réclame une indemnité au titre du 1er mai 2015, et non 2012, en faisant valoir qu’elle a travaillé ce jour là 5h15, tel que cela résulte de ses fiches journalières, sans que la société Domaine du milieu n’apporte aucune contradiction utile à cette réclamation, faisant uniquement valoir qu’une demande d’indemnité au titre du 1er mai 2012 serait prescrite, il convient de confirmer le jugement en ce qu’il a condamné la société Domaine du milieu à payer à Mme [G] la somme de 69,50 euros.

Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité

Mme [G] explique avoir été victime d’un accident du travail le 15 février 2014, lequel a nécessité un arrêt de travail jusqu’au 8 mars en raison de deux côtes cassées, ce qui n’a pas empêché la société Domaine du milieu de la faire travailler durant cette période.

Contrairement à ce qu’affirme Mme [G], il ressort non seulement du bulletin de salaire du mois de mars qu’elle n’a pas travaillé durant cette période, mais ceci est en outre conforté par l’absence de toute fiche journalière alors qu’elle les fournit pour chacune des journées travaillées.

Il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de la débouter de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité.

Sur la demande de dommages et intérêts pour violation du droit à repos

Il résulte de l’article L. 3132-1 du code du travail qu’il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine.

Or, il résulte des fiches journalières tenues par Mme [G], et non sérieusement remises en cause par la société Domaine du milieu qu’elle a effectivement travaillé sans interruption du 10 au 31 décembre 2012, du 9 au 24 décembre 2013 mais aussi du 16 au 27 décembre 2015.

Aussi, et alors que cette règle a pour objet de préserver la santé des salariés, il convient de condamner la société Domaine du milieu à payer à Mme [G] la somme de 1 000 euros à ce titre, ce qui réparera plus justement son préjudice que la somme allouée par le conseil de prud’hommes, à défaut de justifier d’un préjudice plus particulier.

Sur la demande de dommages et intérêts pour absence d’information sur ses droits à portabilité

S’il n’est pas contesté que la lettre de licenciement ne comporte pas les mentions obligatoires relatives à la portabilité de la prévoyance, il n’est cependant justifié par Mme [G] de l’existence d’aucun préjudice et il convient en conséquence d’infirmer le jugement et de la débouter de cette demande de dommages et intérêts.

Sur la question de la nullité du licenciement

Invoquant la protection dont bénéficient les salariés investis d’un mandat de membre du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité sociale prévue par l’article L. 2411-1 du code du travail, Mme [G] soutient que son licenciement est nul dès lors que, titulaire d’un mandat d’administrateur auprès du conseil d’administration de la MSA depuis le 26 mars 2015, l’inspection du travail aurait dû être saisie pour autoriser son licenciement du 21 septembre 2015.

Elle relève par ailleurs qu’il résulte de l’article L. 231-12 du code de la sécurité sociale que les organismes de sécurité sociale remboursent aux employeurs des membres du conseil les salaires maintenus pour leur permettre d’exercer leurs fonctions pendant le temps de travail ainsi que les avantages et les charges sociales y afférents et qu’ainsi, la société Domaine du milieu, qui se faisait rembourser ses heures d’absence et devait à cet effet communiquer les convocations qu’elle-même recevait, avait nécessairement connaissance du statut protecteur dont elle bénéficiait dès lors qu’il ressort clairement de ces convocations qu’elle était administrateur.

Enfin, critiquant le jugement déféré, elle relève que le conseil de prud’hommes a bien relevé que l’employeur avait connaissance de ce qu’elle était déléguée cantonale du 2ème collège de la caisse de MSA Haute Normandie, sans pour autant retenir qu’il était informé de sa qualité d’élue et ce, alors que les fonctions d’administrateur du conseil d’administration de la MSA correspondent aux fonctions de déléguée cantonale du 2ème collège comme cela ressort du procès-verbal de l’assemblée générale.

La société Domaine du milieu soutient que Mme [G] ne rapporte pas la preuve de ce qu’elle était effectivement titulaire d’un mandat d’administrateur de la MSA, seule la preuve de sa qualité de déléguée cantonale du 2ème collège étant rapportée, laquelle est distincte de celle d’administrateur puisque ceux sont les premiers qui élisent les seconds.

En tout état de cause, elle relève qu’elle n’a sollicité des remboursements de salaire auprès de la MSA qu’au regard de la qualité de déléguée cantonale de Mme [G], la seule dont elle avait connaissance, sachant qu’elle n’ouvre pas droit à la protection prévue par l’article L. 2411 du code du travail.

Il résulte de l’article 723-30 du code rural que, lorsque la circonscription des caisses de mutualité sociale agricole s’étend sur deux ou plusieurs départements, le conseil d’administration comprend vingt-sept membres élus par les délégués cantonaux de chaque collège, de chacun des départements réunis en assemblée générale de la caisse pluridépartementale, selon les modalités prévues à l’article L. 723-29, pour cinq ans.

Ainsi, il ressort très clairement de cet article que la qualité de délégué départemental est distincte de celle d’administrateur puisque les délégués départementaux élisent les membres du conseil d’administration.

Or, selon l’article L. 2411-1, 14° du code du travail, ne bénéficie de la protection contre le licenciement que le salarié membre du conseil ou administrateur d’une caisse de sécurité sociale mentionné à l’article L. 231-11 du code de la sécurité sociale.

Aussi, et s’il résulte du procès-verbal du conseil d’administration dressé le 26 mars 2015 que Mme [G] faisait partie des vingt-sept administrateurs élus à cette date, pour le département de l’Eure, 2ème collège, et ce, à l’occasion de l’assemblée générale ordinaire unique qui s’est tenue le même jour, il convient néanmoins d’examiner si la société Domaine du milieu en avait connaissance, étant relevé que cette connaissance ne peut résulter de la seule mention ‘déléguée cantonale du 2ème collège de la caisse de MSA Haute-Normandie’ sur les demandes de remboursement de salaire dès lors que cette seule qualité n’ouvre pas droit à une protection particulière en matière de licenciement.

Or, aucun élément ne permet d’affirmer que Mme [G] transmettait à son employeur les convocations qui lui étaient remises pour participer aux réunions du conseil d’administration et sur lesquelles apparaissaient clairement cette qualité.

A cet égard, il résulte même de l’imprimé type de la MSA versé aux débats et relatif à la participation de Mme [G] à l’assemblée générale ordinaire du 26 mars 2015 en qualité de déléguée cantonale que le coupon à remplir par l’employeur, qui devait lui être remis par Mme [G], comportait déjà la date pour laquelle le salaire était maintenu et devait donc être remboursé.

En outre, et s’il aurait pu être tiré argument de ce que l’article R. 723-104 du code rural ne prévoit pour les délégués à l’assemblée générale exerçant une activité salariée qu’un simple remboursement, sur justification, de la perte effective de rémunération subie du fait de leur participation aux réunions de l’assemblée générale, il résulte néanmoins de ce même article que, sur décision du conseil d’administration ou, en cas d’urgence, de son président, les délégués de l’échelon local sont remboursés, au titre de leurs fonctions, de leurs frais de déplacement et de séjour dans les conditions prévues par l’article R. 723-102, ce qui correspond aux conditions définies pour les membres des conseils d’administration.

Aussi, il ne peut davantage résulter du remboursement des salaires opéré par la MSA directement à l’employeur la connaissance de sa qualité d’administrateur.

Ainsi, et alors que la seule mention relative à un conseil d’administration ressort d’un sms non daté rédigé de la manière suivante ‘moi le 2 j’ai un conseil d’administration’ ne saurait suffire à établir que la société Domaine du milieu avait connaissance de la qualité de membre du conseil d’administration de Mme [G] au moment du licenciement, et ce, d’autant plus qu’aucune des demandes de remboursement ou des convocations ne porte sur le 2 d’un mois.

En conséquence, à défaut pour Mme [G] d’établir la preuve que la société Domaine du milieu avait connaissance de son statut protecteur, il convient de la débouter de sa demande tendant à voire prononcer la nullité de son licenciement.

Il convient également de la débouter de sa demande d’indemnité forfaitaire pour violation du statut protecteur.

Sur la question de la cause réelle et sérieuse du licenciement

Mme [G] a été licenciée le 21 septembre 2015 pour faute grave dans les termes suivants :

‘(…) J’ai déploré de votre part un agissement constitutif d’une faute grave, ce dont je vous ai fait part lors de notre entretien.

En effet, vous avez proféré des propos insultants vis-à-vis du personnel de l’entreprise en présence d’autres salariés et des adolescents qui nous sont confiés, comme vous le savez, par l’Aide sociale à l’enfance.

Le 29 août 2015, j’ai entendu de très forts éclats de voix provenant des écuries. Je me suis déplacée et j’ai constaté que vous insultiez ‘de con’ un salarié de l’entreprise, M. [K], votre responsable hiérarchique qui venait de vous remettre le plan de travail de la journée.

Je vous ai demandé de vous calmer mais vous avez continué à crier pendant une dizaine de minutes puis vous êtes dirigée vers votre véhicule.

A ce moment là, vous m’avez déclaré : ‘J’ai ma gueule, je vais l’ouvrir ma gueule et je vais te fermer ta gueule’ puis vous avez quitté votre lieu de travail avec votre véhicule personnel.

Le tout devant témoins.

Ce sont des faits d’une extrême gravité commis au détriment du personnel et des enfants qui nous sont confiés et des intérêts du Domaine du milieu portant atteinte à l’autorité de sa direction.

Votre attitude a choqué l’ensemble des salariés et vous avez eu un comportement particulièrement agressif et violent devant les adolescents qui nous sont confiés par l’Aide sociale à l’enfance.

Un tel comportement est intolérable vis-à-vis des autres salariés et des enfants que nous accueillons compte tenu de leur personnalité et de votre rôle auprès d’eux.

En votre qualité de moniteur équestre vous êtes en contact régulier avec les adolescents présents et vous avez un rôle éducatif primordial car vous êtes leur instructeur et êtes censée avoir un comportement dénué de toute agressivité et de toute violence.

Or, votre comportement du 29 août 2015 est à l’opposé des valeurs que doivent véhiculer et transmettre les salariés du lieu de vie aux adolescents que nous accueillons.

La violence verbale dont vous avez fait preuve et les insultes que vous avez proférées à l’égard de votre hiérarchie sont incompatibles avec votre maintien dans l’entreprise et est à l’origine de cette procédure.

Nous vous rappelons les différents sujets d’insatisfaction abordés récemment avec vous.

1- L’objectif inscrit dans le projet pédagogique de notre lieu de vie stipule que nous offrons à chaque adolescent la possibilité de devenir cavalier ou meneur.

Ces activités ont une valeur éducative primordiale non seulement sur le plan équestre mais également pour la cohésion du groupe et des responsabilités.

Votre planning fixé chaque début de semaine par M. [K] prévoyait de faire monter chaque jeune au moins deux fois par semaine. Malgré les relances, vous n’avez pas réalisé ces missions qui vont étaient confiées.

2- De plus, chaque cavalier a la possibilité de faire valider ses compétences grâce aux galops fédéraux.

Nous avons été dans l’obligation de vous rappeler votre responsabilité de faire passer les galops aux jeunes dont les compétences acquises permettaient une validation des galops.

L’obtention du Galop 4 pour un de nos jeunes était une condition sine qua non pour justifier son niveau équestre en vue d’intégrer un nouvel établissement pour la prochaine rentrée scolaire.

Vous ne lui avez pas fait travailler la théorie et la pratique et nous avons été dans l’obligation de l’inscrire dans un autre centre équestre qui a pu lui assurer un apprentissage structuré et pédagogique accéléré.

3- Pour les quelques clients qui prennent des cours, nous avons mis en place des fiches de suivi afin de comptabiliser le nombre de cours et le suivi de leur progression : vous n’avez pas utilisé ces fiches.

De plus, lors de vos absences, vous téléphonez aux clients afin de les informer que vous ne pourrez pas assurer les cours. A aucun moment, nous ne vous avons demandé de leur téléphoner. Les cours sont en tout état de cause maintenus peu importe le motif de votre absence.

4- Dans votre contrat, il vous a été aussi confié le débourrage des chevaux : les chevaux ne sont pas débourrés.(…)’.

Conformément aux dispositions de l’article L.1232-1 du code du travail, le licenciement pour motif personnel doit être justifié par une cause réelle et sérieuse, laquelle implique qu’elle soit objective, établie et exacte et suffisamment pertinente pour justifier la rupture du contrat de travail.

La faute grave est celle qui résulte d’un fait ou d’un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail ou des relations de travail d’une importance telle qu’elle rend impossible le maintien du salarié dans l’entreprise et l’employeur qui l’invoque doit en rapporter la preuve.

A l’appui du licenciement, la société Domaine du milieu produit l’audition de Mme [K], sa gérante, par les services de gendarmerie du 3 septembre 2015, laquelle explique avoir entendu des cris, s’être rendue sur les lieux et avoir demandé à Mme [G] de se calmer, sachant qu’elle avait insulté de ‘con’ M. [K], et qu’à défaut de l’avoir fait, elle lui a demandé de quitter les lieux. Elle précise qu’à ce moment-là, elle s’est dirigée vers son véhicule en lui disant ‘J’ai ma gueule, je vais l’ouvrir ma gueule et je vais te fermer ta gueule’.

Au-delà de cette audition qui émane de la gérante et a donc une force probante limitée, il est produit l’attestation de M. [J], éducateur au sein de la société, aux termes de laquelle celui-ci explique que le 29 août 2015, alors qu’il arrivait sur le parking, M. [K] lui a demandé de le suivre et, arrivés, au niveau des écuries, lui a dit que [H] voulait le voir, qu’elle voulait un témoin et qu’à ce moment-là, elle est venue à sa rencontre en sortant son bulletin de salaire, très énervée et mécontente de ce qu’elle avait perçu. Il précise lui avoir répondu que ça ne le regardait pas, qu’elle a alors hurlé ‘C’est des voleurs! Regarde!’, que M. [K] est alors intervenu en lui demandant de cesser de hurler et d’importuner le personnel, qu’elle lui a répondu violemment, que le ton est fortement monté, qu’elle a insulté M. [K] à plusieurs reprises alors qu’il lui demandait de cesser sa crise en restant respectueux. Enfin, il indique que Mme [K] est arrivée, qu’elle a demandé à Mme [G] de stopper rapidement ses cris et que cette dernière s’est dirigée vers son automobile affirmant ‘Je me casse et je reviendrai! Vous allez me le payer!’

Outre que les propos prêtés à Mme [G] divergent, notamment lorsqu’elle quitte les lieux, la force probante de l’attestation de M. [J] est remise en cause par la sommation interpellative du 5 mai 2017 aux termes de laquelle, à la question ‘avez vous réellement entendu Mme [G] insulter M. [K], et si oui quelles injures ont été proférées” il répond ‘le ton est monté. Ils se sont injuriés réciproquement. Je ne me souviens plus précisément des injures proférées’.

Aussi, cette déclaration est sensiblement différente de l’attestation délivrée dès lors qu’il y indiquait que M. [K] était resté respectueux, sachant que Mme [G] ne conteste pas avoir injurié M. [K] mais soutient qu’il avait auparavant été chercher M. [J] en lui disant ‘viens voir cette pétasse’ et, alors qu’elle essayait de parler, lui avait dit ‘ta gueule’.

Au-delà du manque de force probante de l’attestation de M. [J], Mme [G] produit l’attestation de [U] [C], alors accueilli au sein de la structure, laquelle conforte sa version.

Ainsi, il indique que [H] (Mme [G]) a demandé des explications à [S] (M. [K]) sur sa fiche de paie, qu’il la lui a arrachée des mains et l’a chiffonnée, et, alors qu’elle essayait de parler, il lui a dit ‘ta gueule’, puis en partant dans son camion, l’a à nouveau insultée de ‘connasse’ et ‘salope’, ce à quoi [H] lui a répondu ‘c’est toi le sale con’. Il précise que [T] (M. [J]) est entré dans la cour en voiture, que [S] l’a alors arrêté devant l’écurie pour se diriger vers [H], qu’il était cependant alors dans le tracteur et n’a pas entendu ce qui se disait, et qu’ensuite, [I] est arrivée avec sa fille et le copain de celle-ci et a dit à [H] de dégager de chez elle et qu’elle ne la paierait pas.

Au vu de ces éléments, il est suffisamment établi par Mme [G] que M. [K] lui-même a eu des propos injurieux à son égard, et ce, avant même qu’elle ait tenu les propos qui lui sont reprochés et il ne peut, dans ces conditions, être retenu ces faits à l’appui d’un licenciement, ce d’autant plus, que M. [K] était le supérieur hiérarchique de Mme [G].

En ce qui concerne les autres faits visés dans la lettre de licenciement, outre qu’ils sont simplement ‘rappelés’ en tant que sujets d’insatisfaction et ne sont donc pas à proprement parler invoqués à l’appui du licenciement, il doit en tout état de cause être relevé que les pièces produites par la société Domaine du milieu ayant vocation à les établir sont particulièrement imprécises.

Ainsi, comme vu précédemment, Mme [Y], maîtresse de maison, indique que Mme [G] ne s’investissait plus dans son travail et ne donnait pas de cours aux jeunes, sans autres précisions. De même, M. [J], dont il a été préalablement constaté qu’il ne pouvait être accordé qu’une force probante très limitée à ses déclarations, expose uniquement qu’elle ne s’investissait pas dans le rôle éducatif auprès des jeunes et qu’elle ne lui en avait jamais pris en cours d’équitation lorsqu’il en avait une dizaine à s’occuper. Enfin, Mme [V], palfrenière, note qu’elle n’a jamais vu Mme [G] débourrer les chevaux.

Ainsi, la seule attestation qui évoque plus précisément un des faits relatés dans la lettre de licenciement est celle de Mme [V], laquelle reste néanmoins de peu d’intérêt dans la mesure où elle indique simplement ne pas avoir vu Mme [G] débourrer les chevaux, sans noter qu’elle refusait de le faire, sachant que Mme [G] produit pour sa part l’attestation d’un jeune accueilli au centre qui explique qu’il l’aidait au débourrage, sans que le fait qu’il ait signé cette attestation de son nom de famille et non de son prénom comme il l’a fait dans la convention d’accueil ne remette en cause la valeur probante de cette attestation.

Il n’est en tout état de cause justifié d’aucun rappel préalable sur de quelconques manquements et il convient en conséquence de dire que le licenciement ne repose ni sur une faute grave, ni sur une cause réelle et sérieuse.

Il convient en conséquence de condamner la société Domaine du milieu à payer à Mme [G] la somme de 3 444 euros à titre d’indemnité compensatrice de préavis et 1 363,62 euros à titre d’indemnité de licenciement.

Par ailleurs, compte tenu de l’effectif de la société Domaine du milieu de moins de onze salariés, conformément à l’article L. 1235-5 du code du travail, au regard de l’ancienneté de Mme [G], du montant de son salaire et de la précarisation de sa situation dont elle justifie, il convient de condamner la société Domaine du milieu à lui payer la somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la remise de documents

Il convient d’ordonner à la société Domaine du milieu de remettre à Mme [G] l’ensemble des documents de fin de contrat dûment rectifiés, sans que les circonstances de la cause justifient de prononcer une astreinte.

Sur les dépens et frais irrépétibles

En qualité de partie succombante, il y a lieu de condamner la société Domaine du milieu aux entiers dépens, y compris ceux de première instance, de la débouter de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et de la condamner à payer à Mme [G] la somme de 3 000 euros sur ce même fondement.

PAR CES MOTIFS

LA COUR

Statuant contradictoirement,

Dans les limites de la saisine,

Confirme le jugement en ce qu’il a rejeté la demande de nullité du licenciement et les demandes afférentes présentées par Mme [H] [G], en ce qu’il a débouté la SARL Domaine du milieu de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile et l’a condamnée aux entiers dépens et à payer à Mme [H] [G] la somme de 69,50 euros ;

L’infirme pour le surplus ;

Dit que le licenciement de Mme [H] [G] ne repose pas sur une cause réelle et sérieuse ;

Condamne la SARL Domaine du milieu à payer à Mme [H] [G] les sommes suivantes :

rappel d’heures supplémentaires : 7 438,51 euros

congés payés afférents: 743,85 euros

indemnité compensatrice de préavis : 3 444,00 euros

indemnité de licenciement : 1 363,62 euros

dommages et intérêts pour licenciement sans

cause réelle et sérieuse : 6 000,00 euros

indemnité pour travail dissimulé: 10 332,00 euros

dommages et intérêts pour violation du droit

au repos : 1 000,00 euros

Déboute Mme [H] [G] de sa demande de dommages et intérêts pour manquement à l’obligation de sécurité et pour absence d’information du droit à la portabilité ;

Ordonne à la SARL Domaine du milieu de remettre à Mme [H] [G] l’ensemble des documents de fin de contrat dûment rectifiés ;

Dit n’y avoir lieu à astreinte ;

Condamne la SARL Domaine du milieu à payer à Mme [H] [G] la somme de 3 000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Déboute la SARL Domaine du milieu de sa demande formulée en application de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamne la SARL Domaine du milieu aux entiers dépens.

La greffièreLa présidente

 


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