Your cart is currently empty!
CIV. 1
NL4
COUR DE CASSATION
______________________
Audience publique du 16 juin 2021
Rejet
Mme BATUT, président
Arrêt n° 445 F-D
Pourvoi n° W 19-22.221
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 16 JUIN 2021
1°/ Mme [Z] [O],
2°/ M. [C] [O],
3°/ M. [K] [O],
domiciliés [Adresse 1],
ont formé le pourvoi n° W 19-22.221 contre l’arrêt rendu le 4 juillet 2019 par la cour d’appel de Paris (pôle 2, chambre 2), dans le litige les opposant :
1°/ à M. [Y] [K], domicilié [Adresse 2]),
2°/ à la société Ethias, société anonyme, dont le siège est [Adresse 3]), société de droit belge,
3°/ à la société Ellipse, société en nom collectif, dont le siège est [Adresse 4],
défendeurs à la cassation.
Les demandeurs invoquent, à l’appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de Mme Dazzan, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boullez, avocat de Mme [O], de MM. [C] et [K] [O], de M. Carbonnier, avocat de M. [K], de la société Ethias, de la SCP Didier et Pinet, avocat de la société Ellipse, après débats en l’audience publique du 4 mai 2021 où étaient présentes Mme Batut, président, Mme Dazzan, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,
la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Faits et procédure
1. Selon l’arrêt attaqué (Paris,4 juillet 2019), le 24 août 2011, M. et Mme [O] (les acheteurs) ont acquis une jument de la société Ellipse (le vendeur), au prix de 300 000 euros, après un examen de l’animal effectué par M. [K] (le vétérinaire), afin de permettre à leur fils, cavalier de haut niveau, de participer à des concours de sauts d’obstacles (CSO).
2. A la suite d’un bilan axial de la jument, réalisé le 28 mars 2012, ayant révélé qu’elle présentait une spondylose intervertébrale, les acheteurs ont sollicité une expertise en référé puis ont, les 28 juillet et 1er août 2014 et 16 juillet 2015, assigné d’une part, le vendeur en résolution de la vente sur le fondement du défaut de conformité et, à titre subsidiaire, de la garantie des vices cachés, et en indemnisation, d’autre part, le vétérinaire et son assureur, la société Ethias, en responsabilité et indemnisation.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
3. Les acheteurs font grief à l’arrêt de rejeter leur demande en résolution de la vente, fondée sur la garantie de conformité, et en réparation de leurs préjudices, alors :
« 1°/ que, pour être conforme, le bien doit être propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable, soit qu’il présente les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre ; qu’en exigeant des acheteurs qu’ils justifient d’une impropriété à la destination convenue, la cour d’appel a violé l’article L. 211-5 devenu l’article L. 217-5 du code de la consommation ;
2°/ que les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de vingt-quatre mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire ; qu’il ressort des constatations auxquelles la juridiction du second degré a procédé que moins de deux ans après la vente, M. [Y] a attesté le 16 avril 2013 avoir examiné la jument le 4 octobre 2011 et qu’elle présentait une restriction de mobilité au niveau de l’articulation sacro-iliaque gauche, l’avoir examinée à nouveau le 15 novembre 2011 et avoir constaté d’importantes dysfonctions au niveau du garrot (T10, T11) sous la selle (T12, T13) en arrière de la selle (T18, L1) et à la jonction cervico-thoracique (articulation C7-T1) et l’avoir revue à plusieurs reprises entre le 13 décembre 2011 et le 11 septembre 2012 ; qu’en affirmant que les acheteurs ne pouvaient pas se prévaloir de la présomption de l’article L. 211-7 du code de la consommation, « en l’absence de démonstration d’un défaut constituant une impropriété à la destination convenue qui se serait manifestée dans les six mois de la vente », après avoir constaté que la jument avait été engagée à plusieurs reprises, au lieu de rechercher, en l’état des constatations de M. [Y], si la jument, atteinte de tels défauts, présentait encore les qualités légitimement attendues d’un consommateur pour un bien semblable, peu important qu’elle ait déjà été engagée dans des concours de sauts d’obstacles après la vente, la cour d’appel a violé les articles L. 211-5 et L. 211-7 devenus les articles L. 217-5 et L. 217-7 du code de la consommation ;
3°/ que, pour être conforme, un cheval doit correspondre à la description donnée par le vendeur et présenter les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre, peu important qu’il ait ensuite été engagé dans un concours hippique ; qu’en se déterminant d’après la considération inopérante que la jument avait été engagée à plusieurs reprises dans des concours hippiques, la cour d’appel a violé les articles L. 211-5 et L. 211-7 devenus les articles L. 217-5 et L. 217-7 du code de la consommation. »
Réponse de la Cour
4. Aux termes de l’article L. 211-5 du code de la consommation, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016, relatif à la garantie légale de conformité, pour être conforme au contrat, le bien doit, premièrement, être propre à l’usage habituellement attendu d’un bien semblable et, le cas échéant, correspondre à la description donnée par le vendeur et posséder les qualités que celui-ci a présentées à l’acheteur sous forme d’échantillon ou de modèle, présenter les qualités qu’un acheteur peut légitimement attendre eu égard aux déclarations publiques faites par le vendeur, par le producteur ou par son représentant, notamment dans la publicité ou l’étiquetage, ou deuxièmement, présenter les caractéristiques définies d’un commun accord par les parties ou être propre à tout usage spécial recherché par l’acheteur, porté à la connaissance du vendeur et que ce dernier a accepté.
5. Aux termes de l’article L. 211-7 du même code, dans sa rédaction antérieure à celle issue de la loi n° 2014- 344 du 17 mars 2014, en l’absence d’application au litige de l’article L. 213-1 du code rural et de la pêche maritime excluant son application aux ventes d’animaux conclues à partir du 15 octobre 2014, les défauts de conformité qui apparaissent dans un délai de six mois à partir de la délivrance du bien sont présumés exister au moment de la délivrance, sauf preuve contraire.
6. Après avoir énoncé, à bon droit, qu’est applicable au litige la garantie légale de conformité et que sont présumés exister au moment de la délivrance les défauts de conformité apparaissant dans un délai de six mois à partir de celle-ci, l’arrêt retient que le compte rendu de la visite d’achat effectuée en présence des acquéreurs et du vendeur précise que la jument est apte à « avis favorable comme cheval de CSO, risques jugés courants pour CSO (1,45-1,50) », qu’à compter de la vente et jusqu’à la fin de l’année 2012, elle a été engagée dans cinquante-sept compétitions, y compris après le diagnostic de la spondylose intervertébrale le 28 mars 2012, qu’aucun des examens réalisés entre la vente et le 24 février 2012, terme du délai de six mois, n’est venu caractériser un défaut de conformité, qu’un pronostic favorable à la poursuite de sa carrière en CSO au niveau antérieur a été émis le 14 novembre 2012 par le centre d’imagerie et de recherche sur les affections locomotrices équines et que n’est pas démontré un défaut constituant une impropriété à la destination convenue qui se serait manifesté dans les six mois de la vente.
7. De ces constatations, desquelles il résulte qu’elle n’a pas restreint le champ de la garantie de conformité et a procédé à la recherche prétendument omise, la cour d’appel, qui avait la possibilité de prendre en compte la participation de la jument à des concours de sauts d’obstacles, a pu écarter l’application de la présomption de l’article L. 211-7 et retenir qu’il appartenait aux acquéreurs de prouver l’antériorité du défaut de conformité de la jument à la destination convenue, ce qu’ils ne faisaient pas.
8. Le moyen n’est donc pas fondé.
Sur le second moyen
Enoncé du moyen
9. Les acheteurs font grief à l’arrêt de rejeter leur demande en résolution de la vente, fondée sur la garantie des vices cachés et en réparation de leurs préjudices, alors :
« 1°/ qu’en cas d’expertise incomplète, il appartient au juge qui estime que le rapport est insuffisamment précis de décider de l’audition de l’expert ou d’un complément d’expertise ; que la cour d’appel a décidé que l’expert judiciaire s’appuyait sur des constatations cliniques pour conclure à une spondylose présente au jour de la vente, mais qu’il était dans l’incapacité de préciser l’extension exacte de l’affection à la date de la vente en l’absence de cliché radiologique, que malgré le dire récapitulatif du vendeur sur ce point, étayé par l’avis d’un sachant, l’expert a continué à affirmer une spondylose déclarée en août 2011, sans pour autant compléter son rapport par des éléments de littérature de médecine vétérinaire ou procéder à une démonstration, qu’il en était de même de l’allégation que les clichés du 28 mars 2012 révéleraient des lésions anciennes de plus d’une année comme d’ailleurs de l’argument d’une quasi-certitude ou d’une fréquence significative de l’évolution des rapprochements épineux en spondylose qui sous-tendait ses conclusions ; qu’en se déterminant ainsi en considération de l’insuffisance du rapport d’expertise judiciaire pour en déduire que l’antériorité du vice demeurait hypothétique, quand il lui appartenait d’interroger l’expert ou, le cas échéant, d’ordonner un complément d’expertise, la cour d’appel a violé l’article 245 du code de procédure civile, ensemble l’article 1641 du code civil ;
2°/ qu’en cas de doute, le juge ne peut refuser de statuer en se fondant sur l’insuffisance des preuves qui lui sont fournies par les parties ; qu’en se déterminant en considération de l’insuffisance du rapport d’expertise judiciaire pour en déduire que l’antériorité du vice demeurait hypothétique, quand il lui appartenait d’interroger l’expert ou, le cas échéant, d’ordonner un complément d’expertise, la cour d’appel a violé l’article 4 du code civil. »